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Exposer sa raison d’être : le SUMMUM DE LA CONFIANCE

Retour sur la table ronde « La Raison d’être, modèle de création de
valeur » à laquelle j’ai participé mardi 30 novembre 2021* aux côtés de
Virginie Malnoy (Harmonie Mutuelle), Nicolas Desse (Groupama), Pascal Lobry
(Soitec) et sous l’animation de Jennifer Rollet de Coninck (Racine Carrée
consulting), lors de la 10ème Journée Nationale des Actifs Immatériels (#JNAI) à l’INPI.

Jennifer Rollet de Coninck : Diriez-vous qu’un travail profond autour de la raison d’être permet de toucher la substantifique moelle de l’immatériel des entreprises ?

Christian Mayeur : « Trois catégories d’actifs sont généralement regroupées sous le capital immatériel : le capital structurel, le capital humain et le capital relationnel. Commençons par LE CAPITAL STRUCTUREL, et notamment la gouvernance, les rituels, la communication interne et l’organisation. En faisant de la raison d’être la clé de voûte de la mission et en élargissant de facto la contribution de l’entreprise à un champ bien plus large que le profit des actionnaires et le paiement de l’impôt, la loi PACTE vise à mettre les dirigeants qui créent de la valeur par une stratégie responsable à l’abri des sanctions d’actionnaires motivés par le seul profit. Ces dirigeants responsables sont ceux qui REGENERENT l’entreprise par une création de richesse qui ressort de ce que nous appelons dans notre jargon l’évaluation de la performance extra-financière, la « deuxième jambe » chère à Patrick de Cambourg**, par différence avec les résultats financiers, qui sont la « première jambe »). Dans les entreprises mutualistes, on attend des dirigeants qu’ils portent haut cette contribution extra-financière en premier lieu. De fait, cette contribution est inscrite dans les statuts et déjà très large, ce qui ne rend finalement que plus méritoire le travail accompli par #GROUPAMA et #HARMONIEMUTUELLE, tel que viennent de l’évoquer Nicolas Desse et Virginie Malnoy pour régénérer le sens partagé de cette contribution. Il est évident qu’un travail aussi profond conduit à ce que j’appelle une transformation BIOculturelle de l’entreprise, qui touche l’ensemble des interactions qui la font vivre. Alors oui, pour reprendre votre expression, avec des démarches aussi approfondies, on touche bel et bien la « substantifique moelle » de l’entreprise, son capital structurel, immatériel de toute évidence et pourtant tellement palpable. Un autre exemple de pratique d’excellence dont je voudrais témoigner est celui d’ #AQUITANIS, organisme d’habitat social de la Métropole de Bordeaux, QUI A ASSOCIE PAS MOINS DE 3200 LOCATAIRES A L’ELABORATION DE SA RAISON D’ETRE. Voilà une mutation de la gouvernance dans une dynamique d’entreprise élargie à l’ensemble de ses parties prenantes!  A l’ère de l’économie liquide, de l’économie fluide, de l’économie des interactions, le travail sur LA RAISON D’ETRE MET DONC EN MOUVEMENT LA STRUCTURE DE L’ORGANISATION DANS SON ACCEPTION DYNAMIQUE. En mouvement vers quoi ? VERS LE SENS MEME DE SON EXISTENCE. Et QUI porte le sens, sinon LES FEMMES ET LES HOMMES QUI LA COMPOSENT ?

Le travail sur la Raison d’être enrichit donc tout autant LE CAPITAL HUMAIN, en revisitant le mythe fondateur, les valeurs et les croyances, en alignant la compétence stratégique sur la mission, en créant DE NOUVEAUX LIENS ENTRE PASSE ET FUTUR, en plaçant haut le niveau de compétence non seulement technique, mais de SAVOIR-ETRE, puisque nous parlons de raison D’ETRE. La raison d’être stimule L’ESPRIT D’ENTREPRISE, UN ESPRIT HUMAIN, CAR DANS L’ETRE IL N’EST QUESTION QUE D’HUMAIN, la raison d’être touche à UN NIVEAU D’ESPRIT ET DE DESIR HUMAIN, UN NIVEAU DE DESSEIN ET DE DESTIN QUI DEPASSE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE pour mieux en tirer parti.

Last but not least, la Raison d’être nourrit, sollicite et enrichit également LE CAPITAL RELATIONNEL, « tout ce qui relie l’entreprise à son environnement interne et externe ». Bien évidemment, chaque entreprise est unique, toute personne qui a coopéré avec des entreprises concurrentes du même secteur, dont les produits varient parfois peu, a appris définitivement que chaque entreprise est unique, différente, par sa culture, sa perception du monde, son histoire, son alchimie propre et que cela tient avant tout à des dimensions immatérielles. L’entreprise, c’est une IDENTITE. Mais attention au risque de fermeture. Je pense que chacun ici est convaincu que la première maladie mortelle des entreprises, a fortiori à l’èrede l’économie ouverte, hyperconnectée, c’est une maladie auto-immune nommée « arrogance », typique des identités auto-centrées. Or, L’ENTREPRISE VIVANTE, c’est aussi et tout autant UNE ALTERITE, c’est-à-dire une ouverture à l’autre : client, partenaire, citoyen et aussi à l’autre à soi-même : collaborateur vu en tant que salarié avec ses droits ou DIRIGEANT DANS SA PERSONNE, faite de raison et d’émotion, en miroir de ses fonctions. La raison d’être a le mérite d’introduire une mise en tension de l’entreprise vers l’extérieur, elle exige de SE POSER DES QUESTIONS, sur cette fameuse contribution dans le monde, un monde de diversité. J’apprécie beaucoup à cet égard ce que partage avec nous Pascal Lobry, sur l’importance pour SOITEC, dont l’activité a un impact gigantesque à l’échelle planétaire, de se poser et reposer la question de la raison d’être de l’entreprise et de sa responsabilité. Par le questionnement salutaire sur sa contribution au monde et la responsabilité qui en découle, la raison d’être introduit la notion de PARI, PARI SUR L’AUTRE ET LE FUTUR, QUE L’ON PEUT RESUMER EN UN MOT : LA CONFIANCE. Les débats sur le fait que la raison d’être doit être formulée entre dirigeants, en cercle restreint, ou alors avec des contributions d’un nombre large de collaborateurs, ou encore en associant les clients et les parties prenantes témoignent d’ouvertures plus ou moins grandes des entreprises à leurs écosystèmes et donc de capacités vitales plus ou moins puissantes. Associer les salariés, les clients, les parties prenantes à l’énonciation de la raison d’être, c’est bien sûr un pari, un acte de foi, un acte aussi de vulnérabilité, et donc c’est de la CONFIANCE EN ACTION, c’est un acte de confiance de l’entreprise ECO-centrée, je dirai même qu’en exposant sa raison d’être à ses parties prenantes internes et externes et en les associant à son élaboration, l’entreprise touche au SUMMUM DE LA CONFIANCE quand il s’agit du sens même, de la raison d’exister de l’organisation. Mais équilibrer l’identité et l’altérité, l’affirmation et l’ouverture, qu’est-ce donc sinon LA LOI FONDAMENTALE DU VIVANT, LE PRINCIPE DE LA RESPIRATION, LA CONDITION DE L’ADAPTATION PERMANENTE ET MAITRISEE DE L’ENTREPRISE AU MONDE QUI VIENT ? »

Jennifer Rollet de Coninck : « La raison d’être est-elle un sujet qui concerne tout type d’entreprise, voire tout type d’organisation ?   En quoi passer à côté de la raison d’être
pourrait-il être nuisible à une entreprise dans sa dynamique de création de valeur ? »

Christian Mayeur : « A partir du moment où l’on accepte l’idée, de plus en plus difficile à contester, que l’entreprise et toute organisation humaine est immergée dans le monde en forte interdépendance, cette tension externe, cette transcendance – voilà, j’ai employé le mot – est finalement ce qui la sauve, qui fédère son unicité, nourrit son AUTHENTICITE et génère UN NIVEAU DE CONFIANCE ELEVE, actif immatériel important s’il en est, bien au-delà des transactions éphémères. Passer à côté de la raison d’être, c’est se priver du « pourquoi ? » Dans un moment où cette question du sens habite tous les esprits et où une part croissante des personnes des  générations qui entreprennent le monde aujourd’hui ou qui entrent sur le marché du travail, n’hésitent pas à formuler leur quête de sens et de responsabilité, sociétale
autant qu’environnementale, à en faire même une exigence en tant que candidat à
un emploi, en tant que collaborateur, en tant qu’innovateur, en tant que consommateur et en tant que citoyen, – ce qui me paraît nouveau, ce n’est pas cette quête de sens, c’est d’en faire une exigence – passer à côté de la raison d’être, c’est tout simplement se tirer une balle dans le pied. »

*Au double titre de ma participation au groupe de travail de l’Observatoire de l’Immatériel sur l’impact de la raison d’être sur les modèles d’affaires et la performance et en tant que membre du groupe de travail AFNOR qui finalise en ce moment même la rédaction d’un guide pratique pour guider les entreprises dans l’atteinte de la qualité de sociétés à mission, mais aussi les Organismes tiers indépendants (OTI) dans l’évaluation de cette qualité, à paraître bientôt.

**Patrick de Cambourg est le Président de l’Autorité des Nomes Comptables. Membre éminent de l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group), il participe activement aux travaux qui visent à définir de nouvelles normes comptables qui valorisent la création de valeur extra-financière. Il a participé à la table ronde « Directive européenne sur l’extra-financier, création de la Value reporting foundation : quelle normalisation ? » de cette 10ème JNAI.

Christian Mayeur

© Mayeur Zarrouk Consulting

La raison d’être peut-elle avoir raison toute seule ?

Les entreprises qui réfléchissent à leur raison d’être puisent dans leur histoire, leur métier et leur culture ou tout simplement dans leur projet, notamment si elles sont de création récente. Peuvent-elles pour autant avoir raison toutes seules ? De notre point de vue pragmatique – on se se refait pas -, la raison d’être d’une entreprise est indissociable d’un MOTIF D’EXISTER, c’est-à-dire d’« être hors de soi », en relation UTILE avec le monde. Comme le rappelle fréquemment Virginie Malnoy*, la question à se poser est : « qu’est-ce qui manquerait au monde si cette entreprise n’existait pas ? ». A l’heure de l’économie hyperconnectée, personne n’échappe à cette loi biologique : la raison d’être est nourrie, définie et validée autant par l’écosystème de l’entreprise que par l’entreprise elle-même. Les clients, les partenaires, les collaborateurs, les territoires, la collectivité interrogent l’entreprise qui affiche sa raison d’être : « C’est bien beau de t’affirmer dans le monde, mais est-ce que je peux compter sur toi pour accomplir ta mission ? ». C’est ici qu’intervient le lien de confiance. Car la raison d’être interpelle la confiance à son summum : le sens même de l’existence d’une organisation et donc la reconnaissance de son utilité à travers l’ensemble des richesses matérielles et immatérielles qu’elle produit (des services rendus par ses produits aux avancées permises par sa recherche et développement, des compétences qu’elle apporte à ses collaborateurs à la richesse qu’elle apporte à un territoire…).

* Directrice Nouveaux Modèles, membre du Comité de Direction Générale chez Harmonie Mutuelle, avec qui j’ai le plaisir de coopérer dans le Groupe de travail « L’impact de la Raison d’Être sur le modèle économique et la création de valeur » de l’Observatoire de l’Immatériel.

Christian Mayeur

© MAYEUR ZARROUK Consulting

Témoignage de Bernard ROCHE: « La confiance ne marche que si tout le monde s’attelle à respecter l’exigence de feedback constructif et va au bout du débriefing. »

Bernard ROCHE a mis en œuvre l’approche de Totale Confiance proposée par Claude ZARROUK lorsqu’il était directeur de la Division des Réseaux Nationaux de France Télécom, puis en tant que Directeur régional à Lyon. Il garde un souvenir très présent des particularités et des bénéfices de cette approche.

Nous l’avons interviewé le 23 juin 2021.

En 1997, quel avait été ton besoin ? Pour quelle raison as-tu fait appel à Claude ZARROUK ?

Avec les gains de productivité liés en particulier à la fibre optique et à la numérisation, la division que je dirigeais devait être restructurée. Alors que la Division comprenait une direction nationale, 5 directions régionales et des établissements répartis sur le territoire national, nous avions entrepris de regrouper des unités, et de supprimer ces directions régionales et de ne garder qu’une seule direction nationale. Cela représentait une nouvelle configuration pour l’ensemble des personnes et le passage d’un périmètre de 10000 à 4000 personnes environ. Par exemple, après la pose de fibre optique sur les grandes artères, 1000 personnes pouvaient être reconverties sur des réseaux locaux, mais encore fallait-il les accompagner. Nous avions décidé de procéder au reclassement et à la reconversion des personnes dans les meilleures conditions possibles pour elles et France Télécom.

Pour nous accompagner dans cette démarche, Christian a suggéré de faire appel à Claude ZARROUK, dont il avait suivi le séminaire à HEC/CRC. Dès la première rencontre, j’ai eu un bon ressenti et j’ai acquis la conviction que son approche aurait un réel impact. La présentation de Claude Zarrouk m’a semblé aller au fond des questions et sa personnalité m’a paru gage de réussite, en particulier pour que chacun se questionne véritablement, individuellement et en équipe. La démarche intellectuelle, la capacité à faire qu’on s’interroge, individuellement et en équipe. C’était réellement différent de démarches intellectuellement séduisantes mais qui restent en surface et après c’est le retour au « business as usual ».

L’approche m’a semblé pouvoir apporter un vrai changement, et cela a été le cas.

Il y avait une demande dans l’équipe. Mais au départ, cela a quand même été un peu décapant. Certains membres m’ont demandé : « Qu’est-ce que tu fais ? ». Car quand Claude arrivait, cela surprenait ! (Rires)

Quels étaient tes objectifs ? Ont-ils été atteints ou pas ?

Les objectifs étaient la performance de l’équipe de Direction pour conduire les changements dans les Unités Opérationnelles et avec elles. De manière plus concrète, il fallait une coopération efficace entre les membres de l’équipe de Direction de la Division, que chacun perçoive sa mission comme membre de l’équipe (et non comme représentant de sa direction en « pseudo compétition » avec les autres). Il était nécessaire en particulier de bien positionner les rôles fonctionnel, opérationnel, support et développement.

L’approche de management par la confiance nous a permis de sortir par le haut du débat permanent entre Direction Technique et Directions Opérationnelles. Il y avait des positions non adaptées des deux côtés.

Je me souviens d’un séminaire à Cordes sur Ciel, où nous avons largement débattu. Chacun portait ses convictions, mais la méthode de feedback constructif obligeait à expliquer pourquoi on avait tel ou tel besoin (et pas à s’exprimer a priori en termes de solutions).

Nous abordions un vrai problème. Nous avons conduit le débat avec la méthode de feedback structuré et aussi, dès le départ, avec une perspective de bilan sur les engagements pris. La méthode est conçue de manière à faire prendre conscience très vite qu’à partir du moment où quelqu’un prend un engagement, il devra en rendre compte, car c’est le principe de base de la confiance. De plus, chaque engagement était légitimé parce qu’il était en relation directe avec la performance de la Division, ce qui est une autre exigence de la méthode.

Les résultats opérationnels et les objectifs stratégiques ont été atteints. Et au-delà, l’expérience de cette démarche ressentie par les membres de l’équipe (et moi-même) les a conduits à apporter un témoignage très positif pour la mettre en œuvre avec une autre équipe de direction.

Que retiens-tu de ton expérience du processus mis en œuvre ?

L’impact du choc des perceptions allié à la pratique structurée du feedback a conduit au développement de la confiance au sein de l’équipe, et par la même à une coopération efficace pour atteindre les objectifs stratégiques : Au-delà du « choc des perceptions » qui est un moment clé au début de la démarche, le feedback structuré dans la durée est un facteur de succès important. Tout jardinier sait qu’avant d’avoir un rosier et de belles roses, il faut commencer par bêcher. La démarche exige de porter l’effort dans la durée. Nous avons eu des débats intéressants autour du client. Il s’agissait de bien le positionner, à sa juste place mais pas d’en faire la finalité ultime. Bien des incompréhensions ont été levées.

Ensuite, quand j’ai initié la démarche à la Direction Régionale de Lyon, j’ai suggéré aux membres de mon équipe d ‘échanger avec ceux qui l’avaient suivie.

Qu’as-tu trouvé de différent, quelle valeur particulière as-tu apprécié, par rapport à d’autres approches et séminaires ?

C’est une démarche qui va au fond des comportements pour les faire évoluer. Et une démarche dans la durée qui donne de la valeur à l’engagement respecté, source de la confiance. J’ai pu comparer avec d’autres démarches séduisantes, mais qui n’avaient pas réellement un impact durable sur les comportements. Avec cette approche, on dépasse le stade intellectuel pour toucher les comportements.

Que t’a apporté personnellement cette démarche en tant que leader ?

Cela a été la voie pour réaliser un management efficace de mon équipe, par une réflexion propre sur mon management et par une pratique sans faux-semblant. La démarche a été aussi un puissant levier pour bien placer le client dans ma vision et ma pratique.

J’ai aussi appliqué les principes de la démarche par la suite en tant que consultant. Un jour, en réunion à la Région Rhône Alpes, un directeur m’a adressé une remarque « bien sentie ». J’ai écouté en me gardant bien de répondre dans l’instant. 15 jours après, je lui ai envoyé un papier en expliquant mes positions en détail, en tenant compte de sa réaction pour répondre précisément à ses interrogations, en  me plaçant autant que possible dans sa perception. Eh bien, il m’a remercié, et ensuite il m’a même recommandé ! Il était complètement surpris que j’aie pris en compte sa remarque et l’aie prolongée.

Notre rationalité à tous est limitée : chacun raisonne avec sa vision, a du mal à comprendre les objections ou réticences de l’autre. Cela me fait penser au « toujours plus », qui résulte d’un idéal de professionnalisme à l’extrême : « Il fallait plus de techniciens pour toujours approfondir mais sans s’interroger sur la valeur ajoutée apportée et perçue par le client». Les gens ont été formés comme çà, et chaque catégorie pousse dans son sillon. Dire qu’ils ont tort et n’ont rien compris, c’est de la paresse intellectuelle. Le comportement des autres est seulement la conséquence de leur perception des choses – si on ne travaille pas sur leur perception des choses et à les aider à élargir leur point de vue, on n’avance pas. Pour mener à bien une dialectique, il faut s’interroger sur le point de vue de l’autre. Ce n’est pas gratuit

As-tu perçu quelques limites à la démarche ?

J’ai eu quelques regrets après coup, pas du tout en lien avec ce que j’avais mis en œuvre au sein de la Division, mais parce qu’en tant que directeur d’une division au sein d’une plus grande structure, la démarche m’a conduit à un certain niveau d’exigence avec les autres. Elever le niveau d’exigence de feedback ne pose pas de problèmes avec les collaborateurs et collègues qui sont dans la même démarche. En revanche, avec certains autres, l’écart culturel peut se creuser et susciter parfois de l’impatience. Cela nécessite un doigté que je n’ai pas toujours eu.

A la direction régionale, pour des problèmes à traiter avec des directeurs d’agences, nous avons tenu à aller au bout des arguments factuels pour comprendre les besoins. Le résultat a été tel qu’après nous étions satisfaits. En revanche, lorsqu’un responsable d’une autre entité que tu souhaites considérer comme partenaire ne rentre pas dans une vision de partenariat, tu en conçois une frustration, avec le sentiment d’être passé à côté, parce qu’il n’y a pas eu l’échange qui aurait permis de valider des options ensemble. Pour certains managers, être partenaires, c’est du temps perdu : Vis à vis des certaines autres entités avec qui nous étions en relation, c’était plus difficile de faire bouger mes homologues, que leurs collaborateurs.

La confiance ne marche que si tout le monde s’attelle à respecter cette exigence de feedback constructif et va au bout du débriefing.

Ce témoignage de Bernard pose très clairement les exigences intellectuelles et pragmatiques de l’approche « Totale confiance » et la puissance de l’approche initiée par Claude ZARROUK, que nous sommes fiers de perpétuer, d’enrichir et d’adapter aux exigences d’aujourd’hui, en préservant ses fondements essentiels, plus que jamais actuels et sans doute éternels.

Christian Mayeur et Marc Zarrouk

© Mayeur Zarrouk Consulting

Confiance et innovation (1/2)

Accélérer et enrichir les processus d’innovation

L’innovation se nourrit en grande partie du partage pertinent et créatif d’informations, de savoirs et d’intuitions divers, fondés sur des faits et observations tout aussi divers.

Face au besoin d’accélération des processus d’innovation, ce ne sont donc pas les technologies qui freinent : l’information circule plus – et plus vite – que jamais, grâce au Big data, à l’Intelligence artificielle et à l’Informatique quantique.

S’il y a des freins, ils sont humains, le plus souvent liés à des blocages des feedbacks verticaux ou horizontaux dans les entreprises, ou latéraux entre les entreprises et leurs clients et partenaires. Pour effacer ces blocages, il existe un lubrifiant : la confiance, actif immatériel de premier plan.

La confiance en action

Dans la course de vitesse à l’innovation, une organisation ou un écosystème qui visent un haut niveau de performance dans tous les compartiments du jeu ne peuvent pas laisser l’innovation dépendre de la confiance spontanée entre les individus ou des niveaux aléatoires de confiance en soi de leurs membres, quel que soit leur niveau de responsabilité.

Cette loi se vérifie d’autant plus quand existent de fortes disparités culturelles, comme c’est souvent le cas au sein des grandes entreprises et a fortiori dans les relations complexes entre start-ups, PMEs innovantes, grandes entreprises, investisseurs….

La confiance en action ou « Totale confiance » catalyse les coopérations créatives entre humains. Systémique (règle de vie incarnée dans toutes les relations internes et externes), et stratégique (orientée vers des objectifs ciblés), elle reste une innovation managériale dans bien des organisations.

La confiance en action est mue par deux boosters : le feedback constructif et le débriefing responsable, à pratiquer de manière intensive par les équipes d’innovateurs, à la manière de sportifs de haut niveau, car c’est la redondance qui leur confère leur puissance.

Fondés sur une approche biologique du management, ces boosters évacuent les jugements, les émotions et les réflexes qui freinent l’innovation, comme le fameux syndrome « NIH » (Not Invented Here), au profit d’une approche factuelle, terreau de la créativité.

L’apport du Feedback constructif, selon la méthode 3T (Training To Trust)

Le rôle des entrepreneurs et managers au sein d’un écosystème innovant consiste à créer de la fluidité et donc à faire en sorte que chaque membre, de la start-up à la grande entreprise en passant par les investisseurs, sache sur qui il peut compter et pour quoi, à tout moment, y compris dans les projets innovants les plus disruptifs. Cela nécessite de comprendre les besoins et vulnérabilités de chacun des partenaires du projet. La discipline du feedback constructif – direct, sans jugement, basé sur des faits, lié à des objectifs et besoins vitaux, orienté vers le futur – permet à ces entrepreneurs et managers de jouer leur rôle de leaders de confiance. Notre méthode 3T sécurise la transition vers la pratique généralisée du feedback constructif et permet d’en maitriser la puissance.

L’apport du Débriefing responsable, selon la méthode 2TR (Training To Responsibility)

« Il faut se méfier de la réussite par hasard » – Yoshikazu Tsuda.

J’ai gardé en tête ce conseil que m’a prodigué le Pr. Tsuda (Tsukuba / MIT). Il est à la base du débriefing responsable. Une fois que chacun sait sur qui il peut compter et a la capacité d’exprimer sans détour ses besoins pratiques pour innover, il est essentiel de se poser très régulièrement une autre question : « Qu’ai-je fait (ou pas), qu’avons-nous fait (ou pas) qui a permis à telle étape du projet d’atteindre son objectif (ou pas) ? ». A la différence d’un retour d’expérience désincarné, le débriefing responsable engage chaque personne vis-à-vis du collectif pour partager en détail les éléments quantitatifs et qualitatifs, rationnels et émotionnels qui ont caractérisé une étape et fournissent des enseignements pour la suite.

Directement inspiré des pratiques de l’armée de l’air israélienne[1] et fondé sur la méthode 2TR, le débriefing responsable alimente les innovations incrémentales, mais aussi disruptives.

Innovation managériale et évolution culturelle

Avant d’introduire ces méthodes, nous accompagnons l’évolution culturelle de l’entreprise et animons des séances de « Déclics de perception » dédiées au COMEX de l’entreprise – ou à des responsables du projet stratégique ou de l’écosystème innovant – pour créer les conditions favorables à la confiance en action. Nous les aidons à définir une stratégie et des objectifs limpides, fondés sur des valeurs, des attitudes et des principes de management de l’innovation écocentrés (par opposition à « égocentrés »).

La mise en place de ces pratiques porte toute l’organisation et tous les membres et partenaires de son écosystème. Ainsi, tous gagnent en confiance vis-à-vis d’autrui et évitent de perdre du temps en craintes, en querelles d’egos et de territoires, pour se concentrer sur l’essentiel : le progrès, l’innovation et un haut degré de performance de l’organisation. Dans cette approche systémique, nous nous intéressons en effet davantage aux interactions entre personnes et aux processus relationnels qu’aux individus pris isolément.

Totale Confiance permet la mise en place de la « swift trust » (« confiance rapide ») [2] nécessaire aux coopérations rapides entre acteurs qui se connaissent peu a priori. A cet égard, la dynamique de confiance en action mise en place par PFIZER et BIONTECH pour développer le vaccin anti-COVID et basée sur une compréhension des besoins, désirs et vulnérabilités réciproques, est éloquente par ses résultats disruptifs en matière de nature de l’innovation comme de délai de sa mise sur le marché.

De la biologie à la sculpture mentale

Le neurologue Pierre Le Marquis ou le neuropsychiatre Boris Cyrulnik indiquent, à partir des dernières découvertes de la neurobiologie, que la qualité de nos interactions « sculpte » notre cerveau au sens propre. En plaçant a priori toute relation sous le signe positif de la confiance et du partage, les entrepreneurs et managers « leaders de confiance » sculptent positivement le mental de l’organisation ou de l’écosystème vers un accroissement de leur capacité et une accélération de leur vitesse d’innovation. Ceux que nous appelons des « leaders de confiance » sont aussi des « leaders de croissance ».

Christian MAYEUR

© Mayeur Zarrouk


[1] Inbal ARIELI, « How Debriefing Like The Israeli Air Force Can Help Your Business », Forbes Magazine, March 17, 2018 – https://www.forbes.com/sites/startupnationcentral/2018/03/17/how-debriefing-like-the-israeli-air-force-can-help-your-business/?sh=3ae0e41532e0.

[2] Debra MEYERSON, Karl E. WEICK, Roderick M. KRAMER: « Swift trust and temporary systems », Editeurs Kramer and T. R. Tyler « Trust in organizations: Frontiers in theory and research », 1996.

Crise et confiance en action

La crise sanitaire a touché durement les entreprises israéliennes, de la Distribution comme de l’Industrie. La confiance en action que nous avons développée chez nos clients leur a-t-elle été utile pour faire face aux aléas ? C’est la question que nous avons posée à trois d’entre eux : SHUFERSAL (grande distribution), BERMAD (industriel spécialisé dans les solutions de maîtrise de l’eau) et SOGLOWEK (agroalimentaire).

Tous affirment que le management par la confiance installé depuis des mois ou des années avant la crise leur ont permis, dès qu’ils ont compris que le marché israélien allait être atteint par cette pandémie, de mobiliser un réel travail d’équipe, face à l’incertitude et aux décisions difficiles qu’il fallait prendre. Le premier bénéfice souligné par nos clients, c’est la mise en place accélérée de décisions et de nouveaux processus, assortie d’une capacité de correction en temps réel grâce à un fort soutien mutuel entre les équipes, bien au-dessus de la moyenne, ce qui relève de la dimension horizontale de la Totale Confiance. La Confiance en action, c’est de l’avis de tous de l’information qui circule extrêmement rapidement, ce qui est évidemment crucial en cas de crise.

L’exemple de SHUFERSAL est particulièrement intéressant : à l’occasion d’un incident informatique majeur qui avait provoqué il y a quelques années un arrêt complet de toutes les caisses dans tous les magasins, ce qui fit perdre à l’enseigne des millions de shekels à l’heure, la direction de l’entreprise avait décidé, conformément à sa culture de responsabilité [Respons’-abilité], d’inventer une solution palliative. La pratique du Feedback constructif (Training To Trust / 3T et du Débriefing responsable (Training To Responsibility / 2TR), deux boosters de l’approche de Totale Confiance, avait ainsi permis à Shufersal de mettre en place un système de gestion des caisses autonome et activable par la division opérationnelle en charge des magasins, y compris en cas de coupure avec les systèmes d’information centraux. Ce système autonome a permis à la chaîne de maintenir tous ses magasins ouverts pendant la crise COVID, grâce à la possibilité de faire des choix souples, de prendre des décisions d’adaptation au jour le jour depuis le terrain, en mode essai-erreur, et cela dans un grand climat de coopération permis par un haut niveau de confiance systémique dans l’organisation. La direction de l’entreprise a été surprise elle-même de l’extrême rapidité de l’échange d’information entre magasins et de leur capacité à modifier instantanément leurs choix en fonction de l’évolution de la situation au jour le jour. La crise COVID a été le moyen de vérifier que les « tuyauteries » du partage de l’information et du savoir étaient définitivement débouchées. Les grands moments de panique habituels en cas de crise majeure ont été évités grâce à la rapidité avec laquelle des décisions hors de l’ordinaire ont été mises en place. Cette rapidité s’est  doublée d’une très grande solidarité au niveau de la direction de l’entreprise, incarnée dans un soutien actif des uns aux autres.

Chez BERMAD, fabricant de vannes à haute performance équipant notamment les immeubles de grande hauteur, le P.-D. G. lit en décembre 2019 un article prémonitoire rédigé par un journaliste israélien, qui prévient du risque de pandémie en provenance de Chine. Ayant une immense estime pour ce journaliste, il donna crédit à cette information. Dès janvier 2020, BERMAD avait, grâce à sa culture de Confiance en action, tout préparé pour absorber les dégâts de la crise, pour deux raisons principales : d’une part son P.-D. G. avait fait confiance au journaliste, d’autre part, l’entreprise, imprégnée de sa culture du Feedback constructif, avait mis en place des remontées d’information qui lui ont permis de réaliser des diagnostics très précis, pays d’implantation par pays d’implantation.

Chez SOGLOWEK, célèbre fabricant de produits de charcuterie, la culture de Responsabilité liée à l’approche de Totale Confiance a permis une grande préparation du Comité de direction. Tous les communiqués préparés en équipe étaient prêts dès le début de la crise, ce qui a permis d’éviter toute contamination sur les lignes de production.

Pour ces trois entreprises, le télétravail a été mis en place pour tous les postes compatibles, dès le 15 mars 2020, jour de mise en place du confinement par les autorités. Le travail à distance s’est révélé aussi, sinon plus efficace qu’au bureau, alors que la crainte de départ était que la performance se dégrade lorsque la personne travaille de chez elle. Mais les responsables des trois entreprises saluent le fait que quand on fait confiance, on réalise une économie considérable en matière de systèmes de contrôle. Le passage au travail à distance s’est révélé plus fluide et plus facile que chez leurs confrères qui n’avaient pas implanté les disciplines de la Totale Confiance.

En lien avec la culture de Responsabilité ECO-centrée dont ils sont porteurs, les Leaders de confiance à la tête de ces entreprises se posent unanimement la même question : « Sommes-nous prêts pour le prochain tour de la crise ? » Car ils sont convaincus que nous entrons dans une période de crises à rebonds. Ils nous confient que dans l’incertitude, la stratégie et les plans deviennent moins pertinents. Le défi des dirigeants est plus que jamais de prendre les décisions, de les appliquer et de les modifier rapidement. Sur la base des constats récents, ils considèrent que cela se fait beaucoup plus facilement avec un haut niveau de confiance fondé sur les 2 pratiques clés traduites en véritable discipline : le Feedback constructif et le Débriefing responsable. Leur credo est que cette capacité à l’adaptation aux crises procurée par la Confiance en action est valable pour toute crise, ce qui est un capital immatériel précieux dont ils sont convaincus que le rythme des crises à venir va augmenter l’importance.

Ils se demandent quelles seront les conséquences psychologiques et comportementales sur les consommateurs, avec en toile de fond l’incertitude qui pèse sur la sécurité d’Israël. Selon eux, il est de la responsabilité des leaders économiques, mais aussi politiques, de tirer les leçons de la crise COVID et de préparer les crises à venir. Signe de Confiance en action, chacun s’est réjoui en Israël d’une grande fluidité et du partage d’information entre les caisses médicales qui a permis le succès rapide de la campagne de vaccination. Dans ce domaine également, nos clients sont convaincus que ce n’est pas la dernière crise. En Israël, on n’a plus besoin de porter un masque, mais attention au variant ! Un mot d’ordre : être prêts à toute éventualité. Pour générer de la confiance, il convient donc de parler non seulement de ce qui a eu lieu, mais de ce qui vient, de tirer toutes les leçons de débriefings précis pour anticiper ce type de crise qui pourrait caractériser les années à venir. La capacité à s’adapter, à changer rapidement grâce à la confiance active à l’échelle de tout l’écosystème économique et social va devenir plus qu’un avantage concurrentiel : un moyen de survie collective.  Car au plan économique, les dégâts des blocages deviennent rapidement très importants si le feedback est lent. Et au plan humain, la contribution psychologique de la confiance est très importante. En temps de crise, sans confiance, on se sent très seul. Mais si la confiance est forte, on la traverse dans de bien meilleures conditions, – y compris en ce qui concerne la vie personnelle et familiale !

Christian MAYEUR et Marc ZARROUK

© MAYEUR ZARROUK