Archives pour la catégorie Confiance en action

Témoignage de Bernard ROCHE: « La confiance ne marche que si tout le monde s’attelle à respecter l’exigence de feedback constructif et va au bout du débriefing. »

Bernard ROCHE a mis en œuvre l’approche de Totale Confiance proposée par Claude ZARROUK lorsqu’il était directeur de la Division des Réseaux Nationaux de France Télécom, puis en tant que Directeur régional à Lyon. Il garde un souvenir très présent des particularités et des bénéfices de cette approche.

Nous l’avons interviewé le 23 juin 2021.

En 1997, quel avait été ton besoin ? Pour quelle raison as-tu fait appel à Claude ZARROUK ?

Avec les gains de productivité liés en particulier à la fibre optique et à la numérisation, la division que je dirigeais devait être restructurée. Alors que la Division comprenait une direction nationale, 5 directions régionales et des établissements répartis sur le territoire national, nous avions entrepris de regrouper des unités, et de supprimer ces directions régionales et de ne garder qu’une seule direction nationale. Cela représentait une nouvelle configuration pour l’ensemble des personnes et le passage d’un périmètre de 10000 à 4000 personnes environ. Par exemple, après la pose de fibre optique sur les grandes artères, 1000 personnes pouvaient être reconverties sur des réseaux locaux, mais encore fallait-il les accompagner. Nous avions décidé de procéder au reclassement et à la reconversion des personnes dans les meilleures conditions possibles pour elles et France Télécom.

Pour nous accompagner dans cette démarche, Christian a suggéré de faire appel à Claude ZARROUK, dont il avait suivi le séminaire à HEC/CRC. Dès la première rencontre, j’ai eu un bon ressenti et j’ai acquis la conviction que son approche aurait un réel impact. La présentation de Claude Zarrouk m’a semblé aller au fond des questions et sa personnalité m’a paru gage de réussite, en particulier pour que chacun se questionne véritablement, individuellement et en équipe. La démarche intellectuelle, la capacité à faire qu’on s’interroge, individuellement et en équipe. C’était réellement différent de démarches intellectuellement séduisantes mais qui restent en surface et après c’est le retour au « business as usual ».

L’approche m’a semblé pouvoir apporter un vrai changement, et cela a été le cas.

Il y avait une demande dans l’équipe. Mais au départ, cela a quand même été un peu décapant. Certains membres m’ont demandé : « Qu’est-ce que tu fais ? ». Car quand Claude arrivait, cela surprenait ! (Rires)

Quels étaient tes objectifs ? Ont-ils été atteints ou pas ?

Les objectifs étaient la performance de l’équipe de Direction pour conduire les changements dans les Unités Opérationnelles et avec elles. De manière plus concrète, il fallait une coopération efficace entre les membres de l’équipe de Direction de la Division, que chacun perçoive sa mission comme membre de l’équipe (et non comme représentant de sa direction en « pseudo compétition » avec les autres). Il était nécessaire en particulier de bien positionner les rôles fonctionnel, opérationnel, support et développement.

L’approche de management par la confiance nous a permis de sortir par le haut du débat permanent entre Direction Technique et Directions Opérationnelles. Il y avait des positions non adaptées des deux côtés.

Je me souviens d’un séminaire à Cordes sur Ciel, où nous avons largement débattu. Chacun portait ses convictions, mais la méthode de feedback constructif obligeait à expliquer pourquoi on avait tel ou tel besoin (et pas à s’exprimer a priori en termes de solutions).

Nous abordions un vrai problème. Nous avons conduit le débat avec la méthode de feedback structuré et aussi, dès le départ, avec une perspective de bilan sur les engagements pris. La méthode est conçue de manière à faire prendre conscience très vite qu’à partir du moment où quelqu’un prend un engagement, il devra en rendre compte, car c’est le principe de base de la confiance. De plus, chaque engagement était légitimé parce qu’il était en relation directe avec la performance de la Division, ce qui est une autre exigence de la méthode.

Les résultats opérationnels et les objectifs stratégiques ont été atteints. Et au-delà, l’expérience de cette démarche ressentie par les membres de l’équipe (et moi-même) les a conduits à apporter un témoignage très positif pour la mettre en œuvre avec une autre équipe de direction.

Que retiens-tu de ton expérience du processus mis en œuvre ?

L’impact du choc des perceptions allié à la pratique structurée du feedback a conduit au développement de la confiance au sein de l’équipe, et par la même à une coopération efficace pour atteindre les objectifs stratégiques : Au-delà du « choc des perceptions » qui est un moment clé au début de la démarche, le feedback structuré dans la durée est un facteur de succès important. Tout jardinier sait qu’avant d’avoir un rosier et de belles roses, il faut commencer par bêcher. La démarche exige de porter l’effort dans la durée. Nous avons eu des débats intéressants autour du client. Il s’agissait de bien le positionner, à sa juste place mais pas d’en faire la finalité ultime. Bien des incompréhensions ont été levées.

Ensuite, quand j’ai initié la démarche à la Direction Régionale de Lyon, j’ai suggéré aux membres de mon équipe d ‘échanger avec ceux qui l’avaient suivie.

Qu’as-tu trouvé de différent, quelle valeur particulière as-tu apprécié, par rapport à d’autres approches et séminaires ?

C’est une démarche qui va au fond des comportements pour les faire évoluer. Et une démarche dans la durée qui donne de la valeur à l’engagement respecté, source de la confiance. J’ai pu comparer avec d’autres démarches séduisantes, mais qui n’avaient pas réellement un impact durable sur les comportements. Avec cette approche, on dépasse le stade intellectuel pour toucher les comportements.

Que t’a apporté personnellement cette démarche en tant que leader ?

Cela a été la voie pour réaliser un management efficace de mon équipe, par une réflexion propre sur mon management et par une pratique sans faux-semblant. La démarche a été aussi un puissant levier pour bien placer le client dans ma vision et ma pratique.

J’ai aussi appliqué les principes de la démarche par la suite en tant que consultant. Un jour, en réunion à la Région Rhône Alpes, un directeur m’a adressé une remarque « bien sentie ». J’ai écouté en me gardant bien de répondre dans l’instant. 15 jours après, je lui ai envoyé un papier en expliquant mes positions en détail, en tenant compte de sa réaction pour répondre précisément à ses interrogations, en  me plaçant autant que possible dans sa perception. Eh bien, il m’a remercié, et ensuite il m’a même recommandé ! Il était complètement surpris que j’aie pris en compte sa remarque et l’aie prolongée.

Notre rationalité à tous est limitée : chacun raisonne avec sa vision, a du mal à comprendre les objections ou réticences de l’autre. Cela me fait penser au « toujours plus », qui résulte d’un idéal de professionnalisme à l’extrême : « Il fallait plus de techniciens pour toujours approfondir mais sans s’interroger sur la valeur ajoutée apportée et perçue par le client». Les gens ont été formés comme çà, et chaque catégorie pousse dans son sillon. Dire qu’ils ont tort et n’ont rien compris, c’est de la paresse intellectuelle. Le comportement des autres est seulement la conséquence de leur perception des choses – si on ne travaille pas sur leur perception des choses et à les aider à élargir leur point de vue, on n’avance pas. Pour mener à bien une dialectique, il faut s’interroger sur le point de vue de l’autre. Ce n’est pas gratuit

As-tu perçu quelques limites à la démarche ?

J’ai eu quelques regrets après coup, pas du tout en lien avec ce que j’avais mis en œuvre au sein de la Division, mais parce qu’en tant que directeur d’une division au sein d’une plus grande structure, la démarche m’a conduit à un certain niveau d’exigence avec les autres. Elever le niveau d’exigence de feedback ne pose pas de problèmes avec les collaborateurs et collègues qui sont dans la même démarche. En revanche, avec certains autres, l’écart culturel peut se creuser et susciter parfois de l’impatience. Cela nécessite un doigté que je n’ai pas toujours eu.

A la direction régionale, pour des problèmes à traiter avec des directeurs d’agences, nous avons tenu à aller au bout des arguments factuels pour comprendre les besoins. Le résultat a été tel qu’après nous étions satisfaits. En revanche, lorsqu’un responsable d’une autre entité que tu souhaites considérer comme partenaire ne rentre pas dans une vision de partenariat, tu en conçois une frustration, avec le sentiment d’être passé à côté, parce qu’il n’y a pas eu l’échange qui aurait permis de valider des options ensemble. Pour certains managers, être partenaires, c’est du temps perdu : Vis à vis des certaines autres entités avec qui nous étions en relation, c’était plus difficile de faire bouger mes homologues, que leurs collaborateurs.

La confiance ne marche que si tout le monde s’attelle à respecter cette exigence de feedback constructif et va au bout du débriefing.

Ce témoignage de Bernard pose très clairement les exigences intellectuelles et pragmatiques de l’approche « Totale confiance » et la puissance de l’approche initiée par Claude ZARROUK, que nous sommes fiers de perpétuer, d’enrichir et d’adapter aux exigences d’aujourd’hui, en préservant ses fondements essentiels, plus que jamais actuels et sans doute éternels.

Christian Mayeur et Marc Zarrouk

© Mayeur Zarrouk Consulting

Témoignage de Cécile DUBROVIN: « Le processus Totale confiance reste inoubliable, du point de vue de la méthode comme du résultat »

Aujourd’hui Directrice générale de la Business Unit « On-Board and Testing » de Safran Data Systems, Cécile DUBROVIN a mis en œuvre la dynamique de totale confiance dès les années 2000, lorsqu’elle était Chef de Service Customer support et Directrice de programmes dans un grand groupe d’électronique professionnelle, puis à partir de 2015, en tant que directrice générale de BU chez un équipementier aéronautique.

Nous l’avons interviewée le 9 juin 2021 à propos des apports de l’approche « Totale Confiance ».

Cécile, à quelle occasion as-tu découvert l’approche « Totale confiance » ?

« En 2002, j’ai découvert l’approche de Claude ZARROUK alors qu’il avait animé des sessions pilotes sur les organisations biologiques orientées client sur le campus du grand Groupe où je travaillais alors. Le DRH de cette entité a proposé à un dirigeant respecté et emblématique, mais quelque peu autoritaire, ainsi qu’à son équipe de management, un accompagnement de Claude ZARROUK, dont les interventions au campus avaient remporté un franc succès. Ce dirigeant, à qui j’étais rattachée en N-2 en tant que jeune manager, éprouvait des difficultés, dans certains contextes, à écouter ses collaborateurs, ce qui pouvait parfois entraver l’émergence de la réalité des situations. Naturellement, ce dirigeant ne se reconnaissait pas dans le diagnostic initial, mais la DRH ne lui a pas vraiment laissé le choix. Il a donc accepté d’engager le processus de débriefing responsable (Training To Responsibility / 2TR) puis de feedback constructif (Training To Trust / 3T). L’objectif était de « déboucher » la communication verticale. Autant vous dire que pour la jeune manager que j’étais, m’engager avec ce patron franc et direct dans un processus de feedback 3T, où on signe un engagement écrit, était un sacré pari. J’étais assez séduite dès le départ par cette méthode unique en son genre, en dépit du potentiel feedback « vertical descendant fatal » (rires). Eh bien, malgré son caractère entier, avec le recul, il a apprécié et cela s’est finalement bien passé, pour moi comme pour mes collègues. Il a compris que vouloir écouter, même de bonne foi, ce n’était tout simplement pas possible sans feedback. Des messages sont passés et finalement, l’objectif a été atteint.

Par la suite, as-tu repris cette approche à ton propre compte, en tant que manager ?

Ce processus reste inoubliable, du point de vue de la méthode comme du résultat, je l’ai donc rapidement adopté, sachant que c’est dans mon tempérament naturel d’oser le feedback. Je l’ai donc appliqué dans la foulée au niveau de mon équipe et j’ai renforcé ma formation au débriefing responsable (2TR) et au feedback constructif (3T) en tant que directrice de programme.

Quelque temps plus tard, en 2015, alors que je venais de rejoindre un équipementier aéronautique de renom, j’ai été confrontée à un moment délicat. J’ai dû mettre en place une importante réorganisation pour faire face à des exigences multiples de nos grands comptes et donc fédérer ma nouvelle équipe autour d’un contrat de confiance

J’avais besoin d’une équipe resserrée, fidélisée, multi-profils et il était nécessaire de travailler en direct avec mes anciens N-2. J’ai fait appel à Claude et Marc ZARROUK et les membres de l’équipe ont été époustouflés par le côté percutant de la méthode d’animation : spécifique, vibrante, percutante, dans le réel, c’était presque du théâtre.

Quels ont été les principaux apports de la démarche ?

C’est d’abord d’avoir le déclic, les personnes en formation se disent « mais bon sang, ce qui se joue, c’est chez moi, pas dans l’entreprise d’à côté » ! On en vient rapidement à parler de façon concrète, exemples à l’appui, d’arrogance, de non-écoute, de manque de communication, de mode silo et des dégâts que cela provoque chaque jour sous nos yeux, ce que les ZARROUK appelaient « Le cancer de l’entreprise » ! (rires)

Il y a une prise de conscience inévitable. Par exemple, un des managers de mon équipe m’a dit : « La semaine dernière, je me suis un peu senti visé ». L’identification est rendue possible par le mode d’animation théâtral des séminaires. Le résultat est fondamentalement différent de celui obtenu avec un déroulé de slideware. Les participants se disent : « Il parle de moi ». On met tout sur la table, on se dit tout.

Ensuite, c’est un apprentissage collectif. Le « Ah mais c’est moi ! » est réciproque, tout le monde s’identifie : « Oui, c’est vrai, de temps en temps je n’écoute pas, je cache mon vrai besoin, je juge les collègues, voire je les dénigre en public … »

Enfin, cela débouche sur une vraie amélioration de la performance opérationnelle, d’autres réflexes s’installent, et notamment, une prise de conscience de la responsabilité personnelle de chacun : « Quand je suis à plus de 10 % d’incompétents autour de moi, c’est que c’est moi le problème. » (rires)

Un point très important, c’est qu’il y a de l’humour, ça détend, on parle de choses cruciales voire vitales et pourtant c’est une séquence de détente et de convivialité. Les participants s’amusent, c’est drôle et pas culpabilisant. L’humour débloque. Au fil des ateliers, 80 % de l’humour vient des participants. Et l’humour ouvre à la créativité et cela permet de capter l’attention sur la durée. L’approche Totale Confiance permet ce petit miracle du management !

La démarche a-t-elle eu une influence sur ton propre leadership ?

J’ai renforcé l’écoute active, pour laquelle j’ai déjà un penchant naturel du fait de mon éducation franco-asiatique. Il s’agit d’écouter pour comprendre, pas pour répondre. L’âge aide, il apporte de la confiance en soi. Plus tu te développes, plus tu rencontres des challenges à haut niveau. J’ai appris aussi à donner autant de feedbacks sur des points de « satisfaction » que sur des besoins « à mieux satisfaire ».

Les effets sont-ils durables ?

Oui, c’est justement un point fort de l’approche. J’ai dans mon équipe actuelle deux personnes qui ont participé en 2015, elles me disent en 2021 que « ça fait toujours du bien ». On acquiert définitivement un autre regard : « L’entreprise, c’est un corps biologique, avec des fluides, c’est vital d’éviter la thrombose. »

Aujourd’hui, nous poursuivons en duo la voie tracée par Claude ZARROUK, avec l’énergie, le pragmatisme et l’humour qui permettent de régénérer les entreprises par la confiance en action.

Christian Mayeur et Marc Zarrouk

© Mayeur Zarrouk Consulting

Totale confiance: confiance systémique, confiance stratégique

Confiance systémique

Est-ce un hasard si les zones à haute intensité d’innovation et de production de richesse sont aussi des zones de confiance systémique entre acteurs économiques, sociaux, politiques et culturels[1] ? Le nord de la Californie, Israël, le sud de l’Allemagne, la Finlande ou l’Estonie, pour citer les plus célèbres, sont des zones où les relations sont nourries de la discipline du feedback dans les interactions verticales (dialogue hiérarchique franc et direct), horizontales (coopérations conviviales, pragmatiques et créatives, marquées par des critiques réciproques sans concession) et latérales (haute intensité de co-innovation en toute fluidité avec les clients et les partenaires, également marquées par des critiques réciproques sans concession).

Innovation et performance globale de haut niveau exigent le développement de la confiance comme règle de vie à l’échelle de l’entreprise étendue à son écosystème, de telle manière que chaque interaction interne ou externe soit productrice de confiance, ce qui permet d’atteindre un niveau de confiance systémique.

Impact de la confiance systémique sur la confiance en soi et le développement personnel

La question de la « confiance en soi » est régulièrement posée, en raison du caractère déstabilisant, pour les individus, de la période de métamorphose que traversent les entreprises aujourd’hui. Ce phénomène concerne tous les membres de l’écosystème Entreprise, du patron au salarié en passant par les sous-traitants ou les travailleurs indépendants avec qui elle coopère. Le degré initial de confiance en soi des individus perd de son importance relative dans les entreprises écocentrées, cette confiance étant nourrie par la pratique systématique d’un dialogue équilibré, bienveillant et exigeant, et par l’action confiante qui en résulte[2]. Nous observons ainsi que la discipline du feedback constructif à l’échelle de toute l’entreprise entraîne de facto une augmentation du degré de confiance en soi de ses membres, portés par une vague collective de confiance en action.

Autrement dit, la confiance nourrit la confiance : l’action même de produire de la confiance dans chaque interaction nourrit la confiance des dirigeants, des managers et des collaborateurs, dans leurs interactions verticales (hiérarchiques) et horizontales (entre collègues).

Confiance stratégique

La confiance en action est indissociable d’attentes de comportements et de buts à atteindre. Elle est la réponse positive à une question que toute personne en situation d’agir, d’entreprendre ou d’innover pose à ses collaborateurs, partenaires ou clients, pour leur faire totalement confiance : « Est-ce que je peux compter sur toi ? ».

Cette question se décline en des sous-questions du type : « Puis-je compter sur chacune et chacun des membres de mon équipe de direction pour me donner un feedback franc, direct et précis sur la manière dont je réponds à ses besoins ? » ; « Puis-je compter sur ce partenaire pour mener un projet d’investissement commun ? » ; « Puis-je compter sur ce collègue pour apporter sa contribution dans le délai imparti par notre client commun ? » ; « Puis-je compter sur chaque collaborateur pour qu’il me dise clairement ce que j’ai oublié de prendre en compte dans ma décision ? ».

Naturellement, la question « Est-ce que je peux compter sur toi ? » a son pendant collectif, qui a trait à la dimension systémique de la confiance : « Est-ce que nous pouvons compter les uns sur les autres ? ».

Une entreprise où la réponse à ces questions (qu’elles s’adressent à l’individu ou au collectif) est systématiquement positive (à tous les niveaux de la hiérarchie et dans tous les secteurs) est généralement une entreprise en bonne santé, créatrice de valeur pour son écosystème comme pour elle-même.

Comment atteindre un tel résultat ? Un basculement culturel vers l’entreprise écocentrée est nécessaire, sauf si l’entreprise a été conçue dans cette culture[3]. C’est donc en premier lieu aux dirigeants qu’il revient d’agir, d’autant plus qu’il est courant que des blocages du feedback perturbent les dynamiques de décision stratégique situées au-delà du champ de l’intelligence artificielle et des méthodes « agiles », généralement centrées sur les niveaux opérationnels. Ce basculement prend sa source dans le leadership exemplaire des dirigeants, au prix d’une lutte constante et sans merci contre les blocages du feedback, appliquée d’abord à leurs propres interactions. Après avoir été levés et éliminés de manière définitive dans les instances dirigeantes, les obstacles à la fluidité et à la fécondité de la pensée humaine méritent d’être éliminés dans toutes les strates de l’entreprise étendue à son écosystème.

La production de confiance dans chaque interaction constitue alors une force qui pousse toute l’entreprise vers l’avant, en tension entre sa raison d’être et ses finalités, telles que : être utile à ses clients – aux clients de ses clients en B to B et aux clients citoyens lorsqu’elle assure des missions pour la collectivité -, libérer un flux constant d’améliorations et d’innovations, atteindre ses objectifs (financiers, opérationnels, de développement humain), renforcer son image.

Au-delà d’être systémique, la confiance en action revêt donc également un caractère stratégique.


[1] Nous regroupons les scientifiques, les artistes et les professions intellectuelles telles qu’architectes ou designers dans les acteurs culturels.

[2] Charles PEPIN apporte un éclairage intéressant sur ces points aux chapitres 6 et 7 de son essai sur la confiance en soi – Charles PEPIN : « La confiance en soi », Editions Allary, 2018.

[3] En ce cas, le défi non moins ambitieux est de préserver ce précieux capital de régénération infinie.

Christian MAYEUR

© Mayeur Zarrouk

Crise et confiance en action

La crise sanitaire a touché durement les entreprises israéliennes, de la Distribution comme de l’Industrie. La confiance en action que nous avons développée chez nos clients leur a-t-elle été utile pour faire face aux aléas ? C’est la question que nous avons posée à trois d’entre eux : SHUFERSAL (grande distribution), BERMAD (industriel spécialisé dans les solutions de maîtrise de l’eau) et SOGLOWEK (agroalimentaire).

Tous affirment que le management par la confiance installé depuis des mois ou des années avant la crise leur ont permis, dès qu’ils ont compris que le marché israélien allait être atteint par cette pandémie, de mobiliser un réel travail d’équipe, face à l’incertitude et aux décisions difficiles qu’il fallait prendre. Le premier bénéfice souligné par nos clients, c’est la mise en place accélérée de décisions et de nouveaux processus, assortie d’une capacité de correction en temps réel grâce à un fort soutien mutuel entre les équipes, bien au-dessus de la moyenne, ce qui relève de la dimension horizontale de la Totale Confiance. La Confiance en action, c’est de l’avis de tous de l’information qui circule extrêmement rapidement, ce qui est évidemment crucial en cas de crise.

L’exemple de SHUFERSAL est particulièrement intéressant : à l’occasion d’un incident informatique majeur qui avait provoqué il y a quelques années un arrêt complet de toutes les caisses dans tous les magasins, ce qui fit perdre à l’enseigne des millions de shekels à l’heure, la direction de l’entreprise avait décidé, conformément à sa culture de responsabilité [Respons’-abilité], d’inventer une solution palliative. La pratique du Feedback constructif (Training To Trust / 3T et du Débriefing responsable (Training To Responsibility / 2TR), deux boosters de l’approche de Totale Confiance, avait ainsi permis à Shufersal de mettre en place un système de gestion des caisses autonome et activable par la division opérationnelle en charge des magasins, y compris en cas de coupure avec les systèmes d’information centraux. Ce système autonome a permis à la chaîne de maintenir tous ses magasins ouverts pendant la crise COVID, grâce à la possibilité de faire des choix souples, de prendre des décisions d’adaptation au jour le jour depuis le terrain, en mode essai-erreur, et cela dans un grand climat de coopération permis par un haut niveau de confiance systémique dans l’organisation. La direction de l’entreprise a été surprise elle-même de l’extrême rapidité de l’échange d’information entre magasins et de leur capacité à modifier instantanément leurs choix en fonction de l’évolution de la situation au jour le jour. La crise COVID a été le moyen de vérifier que les « tuyauteries » du partage de l’information et du savoir étaient définitivement débouchées. Les grands moments de panique habituels en cas de crise majeure ont été évités grâce à la rapidité avec laquelle des décisions hors de l’ordinaire ont été mises en place. Cette rapidité s’est  doublée d’une très grande solidarité au niveau de la direction de l’entreprise, incarnée dans un soutien actif des uns aux autres.

Chez BERMAD, fabricant de vannes à haute performance équipant notamment les immeubles de grande hauteur, le P.-D. G. lit en décembre 2019 un article prémonitoire rédigé par un journaliste israélien, qui prévient du risque de pandémie en provenance de Chine. Ayant une immense estime pour ce journaliste, il donna crédit à cette information. Dès janvier 2020, BERMAD avait, grâce à sa culture de Confiance en action, tout préparé pour absorber les dégâts de la crise, pour deux raisons principales : d’une part son P.-D. G. avait fait confiance au journaliste, d’autre part, l’entreprise, imprégnée de sa culture du Feedback constructif, avait mis en place des remontées d’information qui lui ont permis de réaliser des diagnostics très précis, pays d’implantation par pays d’implantation.

Chez SOGLOWEK, célèbre fabricant de produits de charcuterie, la culture de Responsabilité liée à l’approche de Totale Confiance a permis une grande préparation du Comité de direction. Tous les communiqués préparés en équipe étaient prêts dès le début de la crise, ce qui a permis d’éviter toute contamination sur les lignes de production.

Pour ces trois entreprises, le télétravail a été mis en place pour tous les postes compatibles, dès le 15 mars 2020, jour de mise en place du confinement par les autorités. Le travail à distance s’est révélé aussi, sinon plus efficace qu’au bureau, alors que la crainte de départ était que la performance se dégrade lorsque la personne travaille de chez elle. Mais les responsables des trois entreprises saluent le fait que quand on fait confiance, on réalise une économie considérable en matière de systèmes de contrôle. Le passage au travail à distance s’est révélé plus fluide et plus facile que chez leurs confrères qui n’avaient pas implanté les disciplines de la Totale Confiance.

En lien avec la culture de Responsabilité ECO-centrée dont ils sont porteurs, les Leaders de confiance à la tête de ces entreprises se posent unanimement la même question : « Sommes-nous prêts pour le prochain tour de la crise ? » Car ils sont convaincus que nous entrons dans une période de crises à rebonds. Ils nous confient que dans l’incertitude, la stratégie et les plans deviennent moins pertinents. Le défi des dirigeants est plus que jamais de prendre les décisions, de les appliquer et de les modifier rapidement. Sur la base des constats récents, ils considèrent que cela se fait beaucoup plus facilement avec un haut niveau de confiance fondé sur les 2 pratiques clés traduites en véritable discipline : le Feedback constructif et le Débriefing responsable. Leur credo est que cette capacité à l’adaptation aux crises procurée par la Confiance en action est valable pour toute crise, ce qui est un capital immatériel précieux dont ils sont convaincus que le rythme des crises à venir va augmenter l’importance.

Ils se demandent quelles seront les conséquences psychologiques et comportementales sur les consommateurs, avec en toile de fond l’incertitude qui pèse sur la sécurité d’Israël. Selon eux, il est de la responsabilité des leaders économiques, mais aussi politiques, de tirer les leçons de la crise COVID et de préparer les crises à venir. Signe de Confiance en action, chacun s’est réjoui en Israël d’une grande fluidité et du partage d’information entre les caisses médicales qui a permis le succès rapide de la campagne de vaccination. Dans ce domaine également, nos clients sont convaincus que ce n’est pas la dernière crise. En Israël, on n’a plus besoin de porter un masque, mais attention au variant ! Un mot d’ordre : être prêts à toute éventualité. Pour générer de la confiance, il convient donc de parler non seulement de ce qui a eu lieu, mais de ce qui vient, de tirer toutes les leçons de débriefings précis pour anticiper ce type de crise qui pourrait caractériser les années à venir. La capacité à s’adapter, à changer rapidement grâce à la confiance active à l’échelle de tout l’écosystème économique et social va devenir plus qu’un avantage concurrentiel : un moyen de survie collective.  Car au plan économique, les dégâts des blocages deviennent rapidement très importants si le feedback est lent. Et au plan humain, la contribution psychologique de la confiance est très importante. En temps de crise, sans confiance, on se sent très seul. Mais si la confiance est forte, on la traverse dans de bien meilleures conditions, – y compris en ce qui concerne la vie personnelle et familiale !

Christian MAYEUR et Marc ZARROUK

© MAYEUR ZARROUK

L’Arbre de la Culture de Confiance

Inspiré d’une métaphore biologique, l’Arbre de la Culture est une clé de compréhension courante des leviers du changement au sein des organisations. Feuillage, tronc et racines sont interdépendants. Mais comment faire de cette interdépendance un facteur de haute performance dans les organisations humaines qui, à la différence des arbres, ont une tendance constante à l’éparpillement des énergies ? C’est ici que la confiance en action joue un rôle déterminant, dont le leadership responsable des dirigeants est la source intarissable.

  1. Si les racines constituent la partie invisible, ce sont elles qui nourrissent de sève primaire le tronc et le feuillage, garantissant leur vitalité et leur régénération : ce sont les perceptions, les croyances et les valeurs, fondées sur la raison d’être de l’entreprise, sur l’intention partagée de ses fondateurs et sur l’expérience accumulée par l’ensemble de ses collaborateurs, à la croisée entre le métier et l’histoire des relations avec l’extérieur. Nous savons que les racines d’un arbre constituent un réseau capillaire au moins aussi étendu et ramifié que son feuillage. Il en va de même pour les racines de l’entreprise, qui constituent sa matrice culturelle. Il est important que ces racines constituent un réseau abondant d’histoires vécues, où les tous les membres de l’entreprise puisent leur énergie et leur désir d’accomplissement. Dans cette matrice culturelle de l’entreprise sont non seulement inscrits sa raison d’être et sa mission originelles, mais aussi le code d’orientation de sa responsabilité: responsabilité « égo-centrée 3P » comme Produit, Process, Périmètre ou bien responsabilité « éco-centrée 6C » comme Client, Collègue, Collaborateur, Co-traitant, Citoyen, Collectivité. Alors que les changements de paradigmes de la révolution numérique et écologique en cours s’accélèrent du fait d’une crise sanitaire aux impacts incommensurables et exigent, pour s’adapter à cette métamorphose, de conduire une évolution culturelle, le travail des dirigeants se doit donc d’être radical, c’est à dire, étymologiquement, conduit à partir des racines. Explorer l’histoire de l’entreprise pour mettre à jour son utilité première, réviser les croyances, réorienter les valeurs sont des actions qui favorisent la régénération. Ce travail souterrain ne saurait s’éteindre. Notons que dans un monde complexe où tout se mêle et se relie, les engagements personnels, professionnels et publics, la concurrence et la compétition – la fameuse « coopétition » bien connue en normalisation internationale -, l’activité racinaire des entreprises évolue toujours plus vers le rhizome et sa puissance de propagation impressionnante.

2. Le tronc s’élance vers le feuillage, qu’il sous-tend, dont il réunit toutes les branches et qu’il relie aux racines. Dans l’entreprise, c’est le corps des attitudes partagées qui fait sa force et sa personnalité, comme par exemple une empathie inimitable envers les clients, les co-traitants ou les partenaires, ou bien la reconnaissance en toutes circonstances de la valeur d’autrui en tant que personne, quels que soient son statut, sa formation, son niveau dans l’organisation – une manière 100 % responsable de compenser le déséquilibre induit par la différence hiérarchique dans la relation managers / collaborateurs – , ou encore le choix de la remise en question systématique et sans jugement après chaque action, chaque interaction, chaque projet.

3. Le feuillage correspond à la partie la plus visible de la culture: ce sont les actions, les comportements, les interactions, qui nourrissent l’entreprise comme la lumière nourrit l’arbre, générant sa sève élaborée, celle qui descend de l’extérieur vers l’intérieur, par photosynthèse.  L’entreprise qui joue la carte de la Totale Confiance a compris à quel point l’écoute active des parties constituantes de son écosystème, la pratique du feedback et du débriefing responsables irriguent depuis l’extérieur la structure vivante interne de l’entreprise et participent à sa régénération. De ce fait le feedback et le débriefing responsables sont les traductions au niveau du feuillage de la conception de responsabilité éco-centrée située dans les racines et de l’attitude de remise en question systématique portée par le tronc. Je n’ai pas trouvé mieux pour traduire ce mouvement vital que l’expression picarde de mon vieil ami Jean-François ZOBRIST: « Faire entrer le dehors dedans ».

Cependant, la seule métaphore de l’arbre ne suffit pas en soi à traduire le processus de vitalité et de régénération des entreprises. En effet, si toutes les parties de l’arbre sont physiquement et chimiquement reliées, les organisations humaines, sous l’effet de la distance qu’instaurent le langage, les statuts, le découpage abstrait du temps et de l’espace, sont constamment sujettes au risque de rupture, de contradiction et de blocage de la circulation du sens. Combien de directions se coupent de la lumière extérieure et fonctionnent avec des présupposés, par écrans et tableaux Excel interposés ? Combien d’entités opérationnelles « se débrouillent », faisant le tri dans des demandes et injonctions discontinues, voire contradictoires venues d’émetteurs multiples cachés derrière des sigles plus ou moins compréhensibles ?

Dans un tel contexte, tout comme traiter les feuilles de l’arbre ne suffit pas à garantir son développement, chercher à adapter les entreprises aux évolutions de leurs écosystèmes à travers une simple action sur les comportements est une approche pavlovienne dont les résultats sont pauvres, tant apprivoiser l’être humain conduit à réduire ses capacités d’ouverture et d’initiative. Pour encourager les attitudes ouvertes aux adaptations (amélioration et innovation) et favoriser une évolution naturelle des comportements, mieux vaut permettre à chaque personne de l’entreprise d’élargir et de nourrir sa perception dans les interactions confiantes avec son environnement interne et externe, à l’image du développement capillaire des racines de l’arbre qui permet au tronc de se renforcer et au feuillage de s’épanouir. Riche de ces interactions, cette personne saura quel comportement adopter en diverses circonstances, en accordant ses valeurs à celles de l’organisation, en tirant parti de son intelligence et en apportant le meilleur de son énergie. 

D’où l’importance du principe de circulation du sens, des racines profondes du temps vers la surface des comportements et des interactions dans les espaces réels et virtuels vers l’ensemble des capillarités internes. Ce principe de circulation du sens qui fait liaison entre la culture, les attitudes et les comportements, c’est la confiance. La confiance – du latin « cum-fidere », avoir foi ensemble – est un pari constant sur l’autre et SUR l’action à venir qui mobilise ensemble les valeurs de responsabilité éco-centrée et d’entrepreneuriat, leur donne consistance dans des attitudes, au premier rang desquelles figurent l’empathie, la remise en question et l’innovation. La confiance favorise les comportements co-créateurs de valeur avec les clients et partenaires à travers l’écoute active, le partage avec toutes les fonctions de l’entreprise (stratégie, finance et investissement, recherche et développement, production, digital, marketing et commerce…), la rétroaction, l’apprentissage et l’innovation permanents.

En permettant une évolution constante des perceptions de l’entreprise vis-à-vis de son écosystème, la CONFIANCE EN ACTION est essentielle pour faire évoluer avec leur temps les valeurs et croyances qui soutiennent la raison d’être et la structure de sens de l’entreprise. Avoir confiance ne suffit pas, il faut se donner les moyens de FAIRE confiance à autrui dans l’action quotidienne, pour adapter collectivement les comportements en fonction des nouveaux besoins et désirs des clients, des collègues, des collaborateurs et tirer parti, sans trahir l’humain, des techniques et technologies à disposition.  

Christian MAYEUR – © MAYEUR ZARROUK

Le Feedback, la puissance du TNT au service du Dialogue responsable

Donner son feedback, c’est d’abord préparer l’autre à le recevoir puis à en donner en retour. Nous avons observé que pour certains dirigeants il est difficile de s’engager dans la pratique du feedback, un engagement pourtant indispensable pour devenir un leader de confiance. Mais tout dirigeant a la possibilité de changer la perception de sa responsabilité à l’égard d’autrui et de créer les conditions pour un feedback de qualité, générateur de confiance et donc de prise d’initiative, de performance et d’innovation.  

En tant que dirigeant, pourquoi donner son feedback, mais surtout, pourquoi aller chercher le feedback ? C’est le job du dirigeant, sa première responsabilité de manager, car le feedback améliore le fonctionnement de ce qu’il y a de plus important pour lui : son équipe . La pratique du feedback régénère l’équipe de direction et l’organisation qu’il dirige et ouvre le CHEMINEMENT VERS LA CONFIANCE  EN ACTION, qui se crée et s’entretient dès lors que nous répondons aux besoins et aux désirs profonds de l’autre, au-delà de ses attentes présupposées. Cela passe par la pratique de l’écoute et de la rétroaction qui s’ensuit, un phénomène d’ordre biologique que nous résumons sous le terme « feedback« .

A ce sujet, notre diagnostic est clair : si dans une organisation on parle de confiance sans pratiquer le feedback, on passe à côté du sujet. En effet jouer la transparence, demander l’avis, etc., sans aller jusqu’à la pratique d’un feedback responsable, tout cela reste superficiel. Tout le défi pour les managers, à commencer par le dirigeant, tient au fait d’être capable de recevoir du feedback direct, précis, factuel et d’aider le collaborateur à formuler un feedback constructif, tendu vers l’avenir. Le principe du feedback est en effet de s’appuyer sur un langage commun pour développer une vision commune, en faisant le pont entre le passé (qui ramène invariablement, si on s’y cantonne, vers la culpabilisation) et l’avenir (qui tend vers l’action).

Le feedback est une pratique extrêmement puissante, à l’image de la dynamite !  Comme le TNT, il nécessite, pour donner son meilleur rendement, le respect de règles précises. Refuser les jugements au profit des faits (et apprendre à éviter les énoncés factuels qui sont des jugements déguisés), faire le choix du mouvement contre l’immobilisme, des problèmes qu’on résout au détriment des problèmes qui persistent, de l’enthousiasme contre la peur, de la confiance contre la simple satisfaction. 

Pour nourrir et soutenir cette démarche, le seul moyen est d’entretenir un dialogue responsable qui commence par la question :  Quel est le besoin de l’autre ?   

Sécuriser la mise en œuvre du feedback est l’objectif de la méthodologie 3T (Training To Trust) qui accompagne la mise en place de la pratique du FEEDBACK Constructif (vertical et horizontal) au sein de l’équipe dirigeante puis entre managers et équipiers.

Christian MAYEUR

© MAYEUR ZARROUK

Est-ce que je peux compter sur toi ?

La période de crise que nous traversons met au premier plan une ressource fondamentale pour la santé et la prospérité des personnes, des entreprises comme des sociétés : la confiance. Ce terme qui nous est cher, à Marc et moi-même, revient à de multiples reprises dans la presse et les conversations du moment. On interroge par sondage les chefs d’entreprise, pythies contemporaines, pour tester leur « confiance » dans l’avenir. On parle à tort et à travers de « crise de confiance » envers le gouvernement bien sûr, mais aussi les institutions, les médias… La confiance apparaît ainsi comme un éther en suspension, traversé de signes et de nuages plus ou moins volatiles. Or nous avons la chance de baigner au quotidien, dans nos démocraties, dans un océan de confiance passive : en tant qu’entrepreneurs, nous avons confiance dans notre banquier, notre expert-comptable, notre assureur, même s’il nous arrive de râler contre eux. En tant que particuliers, nous avons globalement confiance dans les entreprises qui ont construit nos routes, dans le constructeur auprès de qui nous avons acheté ou nous louons notre véhicule, dans les prévisions météorologiques et même dans l’administration fiscale. Nous accordons cette confiance « passive », au sens où nous ne la remettons pas en question tous les matins, à des décideurs et des producteurs que nous ne rencontrerons peut-être jamais. Pour ce qui touche de plus près à notre santé, et donc à notre expérience corporelle, nous sommes plus vigilants et attentifs, autant que possible, à connaître le producteur des aliments que nous consommons – ce qui explique le succès des « circuits courts » – et à avoir des garanties sur le médecin qui nous suit, via notre propre jugement et des recommandations.

Pourtant, cette confiance générale et fluctuante, qui rime avec le confort de nos démocraties, est-elle la confiance nécessaire et suffisante pour mener une entreprise, ses salariés et son écosystème dans la crise, pour booster son développement, pour nourrir son épanouissement humain, pour accélérer sa vitesse d’innovation, pour accroître son utilité et incarner pleinement sa raison d’être ? Certainement pas, car il existe en fait deux types de confiance: la confiance « passive », que les anglophones reconnaîtront sous le vocable « Confidence » et la confiance « active », que nos amis anglo-saxons désignent sous le nom de « Trust« . La confiance active, c’est le pari conscient et dynamique que nous faisons sur l’Autre : notre collaborateur, notre boss, notre collègue, notre client (eh oui) ou notre partenaire. Cette « confiance en action » est requise dès lors que nous nous ENGAGEONS AVEC D’AUTRES dans des initiatives, des projets, ou, comme c’est souvent le cas en ce moment, dans des actions palliatives en réponse à une crise, qui mobilisent un mélange de pragmatisme et de créativité collectifs.

C’est sur cette confiance en action que Marc et moi sommes amenés à travailler avec les leaders de confiance qui souhaitent atteindre, avec leurs équipes et partenaires, de hauts niveaux de performance dans tous les compartiments du jeu. La question qui reflète le mieux la culture de la confiance en action est celle-ci : « EST-CE QUE JE PEUX COMPTER SUR TOI ? ». Toute la dynamique d’évolution vers une culture de « Totale Confiance » repose sur la mise en œuvre d’une fluidité et d’une qualité exceptionnelles des interactions au sein d’un écosystème (entreprise, territoire…), telles que chaque membre puisse répondre positivement et en connaissance de cause à cette question. Naturellement, cette confiance en action, dont nous verrons à l’occasion des articles à venir qu’elle est d’essence biologique, nourrit la confiance générale évoquée plus haut. Car chaque collaborateur, au-delà de la confiance de base qu’il accorde à son manager, se posera la question « Est-ce que je peux compter sur lui? » en cas de défi innovant qui requiert un soutien particulier ; chaque patient, au-delà de la confiance de base qu’il accorde à son médecin, se posera la question : « Est-ce que je peux compter sur lui? » s’il tombe gravement malade ; chaque citoyen sera en droit de poser la question au gouvernement et en particulier au Président de la République, qui a pris le leadership de la gestion de la crise sanitaire comme Napoléon a saisi le drapeau au Pont d’Arcole : « Est-ce que je peux compter sur vous ? ». On comprend que cette question appelle réponse en mots et en actes et que, plus la distance est grande entre les citoyens, les élus et les représentants locaux de ces élus, plus le feedback, moteur de la confiance en action, est difficile, voire inexistant, et donc plus la réserve de confiance s’amenuise. Les entreprises à taille humaine, TPEs, PMEs, ETIs, mais aussi grandes entreprises en réseaux décentralisés, ont beaucoup plus de chances que les institutions et entreprises verticales à X niveaux hiérarchiques de générer et faire circuler la confiance, sève du développement économique et humain, en leur sein, mais aussi dans leur écosystème territorial de proximité (partenaires, fournisseurs, milieu associatif, élus…). Je vois dans cette confiance en action de proximité une des sources de l’innovation née des territoires, chère à l’économiste Michel GODET, créateur du Prix des Bonnes Nouvelles des Territoires.

« Est-ce que je peux compter sur toi ? ». C’est le premier des deux leitmotivs (il y en a un autre, qui apparaîtra plus tard dans ce blog) qui fondent la confiance en action dans les relations humaines, dans les entreprises et dans toute organisation ou institution.

Christian MAYEUR – © MAYEUR ZARROUK