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Exposer sa raison d’être : le SUMMUM DE LA CONFIANCE

Retour sur la table ronde « La Raison d’être, modèle de création de
valeur » à laquelle j’ai participé mardi 30 novembre 2021* aux côtés de
Virginie Malnoy (Harmonie Mutuelle), Nicolas Desse (Groupama), Pascal Lobry
(Soitec) et sous l’animation de Jennifer Rollet de Coninck (Racine Carrée
consulting), lors de la 10ème Journée Nationale des Actifs Immatériels (#JNAI) à l’INPI.

Jennifer Rollet de Coninck : Diriez-vous qu’un travail profond autour de la raison d’être permet de toucher la substantifique moelle de l’immatériel des entreprises ?

Christian Mayeur : « Trois catégories d’actifs sont généralement regroupées sous le capital immatériel : le capital structurel, le capital humain et le capital relationnel. Commençons par LE CAPITAL STRUCTUREL, et notamment la gouvernance, les rituels, la communication interne et l’organisation. En faisant de la raison d’être la clé de voûte de la mission et en élargissant de facto la contribution de l’entreprise à un champ bien plus large que le profit des actionnaires et le paiement de l’impôt, la loi PACTE vise à mettre les dirigeants qui créent de la valeur par une stratégie responsable à l’abri des sanctions d’actionnaires motivés par le seul profit. Ces dirigeants responsables sont ceux qui REGENERENT l’entreprise par une création de richesse qui ressort de ce que nous appelons dans notre jargon l’évaluation de la performance extra-financière, la « deuxième jambe » chère à Patrick de Cambourg**, par différence avec les résultats financiers, qui sont la « première jambe »). Dans les entreprises mutualistes, on attend des dirigeants qu’ils portent haut cette contribution extra-financière en premier lieu. De fait, cette contribution est inscrite dans les statuts et déjà très large, ce qui ne rend finalement que plus méritoire le travail accompli par #GROUPAMA et #HARMONIEMUTUELLE, tel que viennent de l’évoquer Nicolas Desse et Virginie Malnoy pour régénérer le sens partagé de cette contribution. Il est évident qu’un travail aussi profond conduit à ce que j’appelle une transformation BIOculturelle de l’entreprise, qui touche l’ensemble des interactions qui la font vivre. Alors oui, pour reprendre votre expression, avec des démarches aussi approfondies, on touche bel et bien la « substantifique moelle » de l’entreprise, son capital structurel, immatériel de toute évidence et pourtant tellement palpable. Un autre exemple de pratique d’excellence dont je voudrais témoigner est celui d’ #AQUITANIS, organisme d’habitat social de la Métropole de Bordeaux, QUI A ASSOCIE PAS MOINS DE 3200 LOCATAIRES A L’ELABORATION DE SA RAISON D’ETRE. Voilà une mutation de la gouvernance dans une dynamique d’entreprise élargie à l’ensemble de ses parties prenantes!  A l’ère de l’économie liquide, de l’économie fluide, de l’économie des interactions, le travail sur LA RAISON D’ETRE MET DONC EN MOUVEMENT LA STRUCTURE DE L’ORGANISATION DANS SON ACCEPTION DYNAMIQUE. En mouvement vers quoi ? VERS LE SENS MEME DE SON EXISTENCE. Et QUI porte le sens, sinon LES FEMMES ET LES HOMMES QUI LA COMPOSENT ?

Le travail sur la Raison d’être enrichit donc tout autant LE CAPITAL HUMAIN, en revisitant le mythe fondateur, les valeurs et les croyances, en alignant la compétence stratégique sur la mission, en créant DE NOUVEAUX LIENS ENTRE PASSE ET FUTUR, en plaçant haut le niveau de compétence non seulement technique, mais de SAVOIR-ETRE, puisque nous parlons de raison D’ETRE. La raison d’être stimule L’ESPRIT D’ENTREPRISE, UN ESPRIT HUMAIN, CAR DANS L’ETRE IL N’EST QUESTION QUE D’HUMAIN, la raison d’être touche à UN NIVEAU D’ESPRIT ET DE DESIR HUMAIN, UN NIVEAU DE DESSEIN ET DE DESTIN QUI DEPASSE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE pour mieux en tirer parti.

Last but not least, la Raison d’être nourrit, sollicite et enrichit également LE CAPITAL RELATIONNEL, « tout ce qui relie l’entreprise à son environnement interne et externe ». Bien évidemment, chaque entreprise est unique, toute personne qui a coopéré avec des entreprises concurrentes du même secteur, dont les produits varient parfois peu, a appris définitivement que chaque entreprise est unique, différente, par sa culture, sa perception du monde, son histoire, son alchimie propre et que cela tient avant tout à des dimensions immatérielles. L’entreprise, c’est une IDENTITE. Mais attention au risque de fermeture. Je pense que chacun ici est convaincu que la première maladie mortelle des entreprises, a fortiori à l’èrede l’économie ouverte, hyperconnectée, c’est une maladie auto-immune nommée « arrogance », typique des identités auto-centrées. Or, L’ENTREPRISE VIVANTE, c’est aussi et tout autant UNE ALTERITE, c’est-à-dire une ouverture à l’autre : client, partenaire, citoyen et aussi à l’autre à soi-même : collaborateur vu en tant que salarié avec ses droits ou DIRIGEANT DANS SA PERSONNE, faite de raison et d’émotion, en miroir de ses fonctions. La raison d’être a le mérite d’introduire une mise en tension de l’entreprise vers l’extérieur, elle exige de SE POSER DES QUESTIONS, sur cette fameuse contribution dans le monde, un monde de diversité. J’apprécie beaucoup à cet égard ce que partage avec nous Pascal Lobry, sur l’importance pour SOITEC, dont l’activité a un impact gigantesque à l’échelle planétaire, de se poser et reposer la question de la raison d’être de l’entreprise et de sa responsabilité. Par le questionnement salutaire sur sa contribution au monde et la responsabilité qui en découle, la raison d’être introduit la notion de PARI, PARI SUR L’AUTRE ET LE FUTUR, QUE L’ON PEUT RESUMER EN UN MOT : LA CONFIANCE. Les débats sur le fait que la raison d’être doit être formulée entre dirigeants, en cercle restreint, ou alors avec des contributions d’un nombre large de collaborateurs, ou encore en associant les clients et les parties prenantes témoignent d’ouvertures plus ou moins grandes des entreprises à leurs écosystèmes et donc de capacités vitales plus ou moins puissantes. Associer les salariés, les clients, les parties prenantes à l’énonciation de la raison d’être, c’est bien sûr un pari, un acte de foi, un acte aussi de vulnérabilité, et donc c’est de la CONFIANCE EN ACTION, c’est un acte de confiance de l’entreprise ECO-centrée, je dirai même qu’en exposant sa raison d’être à ses parties prenantes internes et externes et en les associant à son élaboration, l’entreprise touche au SUMMUM DE LA CONFIANCE quand il s’agit du sens même, de la raison d’exister de l’organisation. Mais équilibrer l’identité et l’altérité, l’affirmation et l’ouverture, qu’est-ce donc sinon LA LOI FONDAMENTALE DU VIVANT, LE PRINCIPE DE LA RESPIRATION, LA CONDITION DE L’ADAPTATION PERMANENTE ET MAITRISEE DE L’ENTREPRISE AU MONDE QUI VIENT ? »

Jennifer Rollet de Coninck : « La raison d’être est-elle un sujet qui concerne tout type d’entreprise, voire tout type d’organisation ?   En quoi passer à côté de la raison d’être
pourrait-il être nuisible à une entreprise dans sa dynamique de création de valeur ? »

Christian Mayeur : « A partir du moment où l’on accepte l’idée, de plus en plus difficile à contester, que l’entreprise et toute organisation humaine est immergée dans le monde en forte interdépendance, cette tension externe, cette transcendance – voilà, j’ai employé le mot – est finalement ce qui la sauve, qui fédère son unicité, nourrit son AUTHENTICITE et génère UN NIVEAU DE CONFIANCE ELEVE, actif immatériel important s’il en est, bien au-delà des transactions éphémères. Passer à côté de la raison d’être, c’est se priver du « pourquoi ? » Dans un moment où cette question du sens habite tous les esprits et où une part croissante des personnes des  générations qui entreprennent le monde aujourd’hui ou qui entrent sur le marché du travail, n’hésitent pas à formuler leur quête de sens et de responsabilité, sociétale
autant qu’environnementale, à en faire même une exigence en tant que candidat à
un emploi, en tant que collaborateur, en tant qu’innovateur, en tant que consommateur et en tant que citoyen, – ce qui me paraît nouveau, ce n’est pas cette quête de sens, c’est d’en faire une exigence – passer à côté de la raison d’être, c’est tout simplement se tirer une balle dans le pied. »

*Au double titre de ma participation au groupe de travail de l’Observatoire de l’Immatériel sur l’impact de la raison d’être sur les modèles d’affaires et la performance et en tant que membre du groupe de travail AFNOR qui finalise en ce moment même la rédaction d’un guide pratique pour guider les entreprises dans l’atteinte de la qualité de sociétés à mission, mais aussi les Organismes tiers indépendants (OTI) dans l’évaluation de cette qualité, à paraître bientôt.

**Patrick de Cambourg est le Président de l’Autorité des Nomes Comptables. Membre éminent de l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group), il participe activement aux travaux qui visent à définir de nouvelles normes comptables qui valorisent la création de valeur extra-financière. Il a participé à la table ronde « Directive européenne sur l’extra-financier, création de la Value reporting foundation : quelle normalisation ? » de cette 10ème JNAI.

Christian Mayeur

© Mayeur Zarrouk Consulting

La raison d’être peut-elle avoir raison toute seule ?

Les entreprises qui réfléchissent à leur raison d’être puisent dans leur histoire, leur métier et leur culture ou tout simplement dans leur projet, notamment si elles sont de création récente. Peuvent-elles pour autant avoir raison toutes seules ? De notre point de vue pragmatique – on se se refait pas -, la raison d’être d’une entreprise est indissociable d’un MOTIF D’EXISTER, c’est-à-dire d’« être hors de soi », en relation UTILE avec le monde. Comme le rappelle fréquemment Virginie Malnoy*, la question à se poser est : « qu’est-ce qui manquerait au monde si cette entreprise n’existait pas ? ». A l’heure de l’économie hyperconnectée, personne n’échappe à cette loi biologique : la raison d’être est nourrie, définie et validée autant par l’écosystème de l’entreprise que par l’entreprise elle-même. Les clients, les partenaires, les collaborateurs, les territoires, la collectivité interrogent l’entreprise qui affiche sa raison d’être : « C’est bien beau de t’affirmer dans le monde, mais est-ce que je peux compter sur toi pour accomplir ta mission ? ». C’est ici qu’intervient le lien de confiance. Car la raison d’être interpelle la confiance à son summum : le sens même de l’existence d’une organisation et donc la reconnaissance de son utilité à travers l’ensemble des richesses matérielles et immatérielles qu’elle produit (des services rendus par ses produits aux avancées permises par sa recherche et développement, des compétences qu’elle apporte à ses collaborateurs à la richesse qu’elle apporte à un territoire…).

* Directrice Nouveaux Modèles, membre du Comité de Direction Générale chez Harmonie Mutuelle, avec qui j’ai le plaisir de coopérer dans le Groupe de travail « L’impact de la Raison d’Être sur le modèle économique et la création de valeur » de l’Observatoire de l’Immatériel.

Christian Mayeur

© MAYEUR ZARROUK Consulting

Confiance et prise de risque

De tout temps et dans toutes les économies ouvertes, la confiance a été la condition indispensable à la prise de risque. Qu’en est-il dans le contexte contemporain ?

Comment produire de la confiance stratégique dans un contexte qualifié d’« hypercomplexe », où l’univers et désormais le « métavers » des économies contemporaines sont marqués par une croissance exponentielle des interactions et des hybridations des savoirs, des connaissances et des cultures ? Comment générer le pari indispensable de la confiance lorsque la prise de risque elle-même a changé de nature, tant les protagonistes sont multiples, divers et éminemment mobiles ?

Confiance et feedback au service de la prise de risque

L’objectif de la confiance en action est ni plus ni moins que de faire évoluer les cultures (croyances, valeurs, perceptions) pour transformer des modèles d’affaires EGO-centrés sur les profits en modèles d’affaires ECO-centrés vers les bénéfices – financiers, humains et sociétaux, guidés par une pratique intensive du feedback constructif. Dans cette approche, la qualité des relations avec l’ensemble des parties prenantes acquiert une importance prépondérante. Par les accords entre parties très diverses, les intuitions partagées entre partenaires et les réajustements incrémentaux ou disruptifs des actions qu’elles permettent, la régularité et la redondance des feedbacks au sein d’un dialogue vivant et ininterrompu favorisent la prise de risque maîtrisée tout en évitant les excès de contrôle et leur effet inhibiteur.

A cet égard, le mythe de l’entrepreneur aventurier qui prend tous les risques en tant que joueur solitaire et téméraire a vécu – Elon Musk lui-même ne prend pas de risques sans de nombreux appuis politiques et financiers bien sûr, mais aussi sans une cohorte infinie de personnes en interaction avec lui et ses équipes à l’échelle planétaire. Contrairement à ce que le miroir déformant des médias avides de personnalisation aime laisser croire, les prises de risques de ce leader de confiance sont donc portées par un écosystème de confiance transnational.

Si la prise de risque reste un jeu, celle qui porte ses fruits désormais est donc plus rarement le résultat d’un coup de poker d’une personne que d’une immense partie jouée par des acteurs disséminés qui interagissent et progressent via des systèmes de feedback répartis et instantanés.

Ce parti-pris a été assumé par les fondateurs de Google, qui avaient écouté la prédiction de Luis von Ahn, professeur à Carnegie Mellon. Celui-ci recommandait aux acteurs du monde post-Internet de jouer avec leurs clients et partenaires. Avec tous ses « développeurs joueurs », Google a ainsi créé un immense terrain de confiance systémique nourri de feedbacks et de débriefings réflexes, instantanés et suivis d’effets de correction et d’innovation permanents, au sein de sa communauté mais aussi à ses frontières mouvantes, sans cesse redessinées.

Notons que la génération de confiance en action produit ses effets au niveau micro-économique comme au niveau macro-économique : Le feedback et le débriefing irriguent les pratiques des entrepreneurs comme des gouvernements dans les régions du monde qui s’apparentent à de véritables zones de confiance systémique, où la prise de risque est monnaie courante et où l’innovation prospère : Certaines zones des Etats-Unis bien sûr (Californie, Colorado, Nouveau-Mexique, région d’Austin au Texas, région de Boston), mais aussi Israël, le Sud de l’Allemagne, l’Estonie et la Finlande, le Nord de l’Italie et même le Japon, sont des régions où règne un haut niveau de confiance nourrie de partage, de coopération et d’apprentissage mutuel à haute intensité, qui revêt naturellement des formes adaptées à chaque culture régionale. Une cartographie des territoires innovants en France révèlerait sans aucun doute que les régions à fort taux d’entrepreneuriat spontané sont celles où prospèrent les interactions et les réseaux, sur fond de connaissance et d’estime mutuelle. Ce phénomène est souligné de manière récurrente au fil des études menées dans les deux dernières décennies par des organisations aussi diverses que Créativallée ou le CNAM (sous l’impulsion de Michel Godet et de ses travaux sur l’innovation des territoires)

A titre d’exemple, en Israël, la start-up nation, les entreprises de toutes tailles et tous secteurs et les acteurs de leurs écosystèmes institutionnels et financiers sécurisent leurs prises de risques par une pratique intensive du feedback et du débriefing. L’armée elle-même est exemplaire en la matière et inspire les entrepreneurs. C’est cette même armée qui joue un rôle d’incubateur, amortit la prise de risques des entrepreneurs et leur fournit un vivier de talents nourris au lait du pragmatisme.

Pratique de la confiance et théorie de l’action

Comme son nom l’indique, la confiance en action est autant confiance pragmatique que stratégique et systémique. Pour triviales qu’elles puissent paraître, les pratiques systématiques, voire réflexes, du feedback et du débriefing orientées vers l’action, le progrès et l’innovation forment le tissu vivant et régénérateur de la confiance positive qui porte la prise de risque.

  • Le feedback généralisé entre partenaires permet de comprendre les besoins et vulnérabilités de l’autre, ce qui est essentiel pour sécuriser la prise de risque et accélérer l’innovation (au stade de sa conception mais aussi de son déploiement). La pratique naturelle du feedback franc, direct, factuel et sécurisé des collaborateurs vers les dirigeants, des citoyens vers les décideurs politiques (feedback « remontant ») est à cet égard un trait distinctif de la culture de confiance à l’échelle d’une entreprise ou d’un territoire.
  • Le débriefing responsable des initiatives et des projets permet de comprendre les ressorts intimes des résultats conformes ou pas aux objectifs. Comme le déclarait Tomer MIZNA, lieutenant-colonel de l’Armée de l’Air israélienne lors de ma visite à Tel-Aviv en 2017, « ce qui n’a pas été débriefé n’a pas existé ». Une pratique systématique du débriefing, dans les sphères politiques, à l’échelle des territoires, des écosystèmes entrepreneuriaux et des entreprises elles-mêmes aboutit au fait qu’au lieu de parler de « droit à l’échec », la notion même d’échec disparait, ce qui est absolument essentiel pour encourager la prise de risque et enrichir les processus d’innovation.

La doxa oppose souvent la frilosité des gestionnaires à la témérité des entrepreneurs. Entre ces deux schémas extrêmes, nous observons que dans les zones de confiance systémique, le chemin des preneurs de risques est pavé d’une infinité d’interactions et de rétroactions positives qui sécurisent le pari de la confiance et favorisent la maîtrise du risque.

Christian MAYEUR

© Mayeur Zarrouk


Témoignage de Bernard ROCHE: « La confiance ne marche que si tout le monde s’attelle à respecter l’exigence de feedback constructif et va au bout du débriefing. »

Bernard ROCHE a mis en œuvre l’approche de Totale Confiance proposée par Claude ZARROUK lorsqu’il était directeur de la Division des Réseaux Nationaux de France Télécom, puis en tant que Directeur régional à Lyon. Il garde un souvenir très présent des particularités et des bénéfices de cette approche.

Nous l’avons interviewé le 23 juin 2021.

En 1997, quel avait été ton besoin ? Pour quelle raison as-tu fait appel à Claude ZARROUK ?

Avec les gains de productivité liés en particulier à la fibre optique et à la numérisation, la division que je dirigeais devait être restructurée. Alors que la Division comprenait une direction nationale, 5 directions régionales et des établissements répartis sur le territoire national, nous avions entrepris de regrouper des unités, et de supprimer ces directions régionales et de ne garder qu’une seule direction nationale. Cela représentait une nouvelle configuration pour l’ensemble des personnes et le passage d’un périmètre de 10000 à 4000 personnes environ. Par exemple, après la pose de fibre optique sur les grandes artères, 1000 personnes pouvaient être reconverties sur des réseaux locaux, mais encore fallait-il les accompagner. Nous avions décidé de procéder au reclassement et à la reconversion des personnes dans les meilleures conditions possibles pour elles et France Télécom.

Pour nous accompagner dans cette démarche, Christian a suggéré de faire appel à Claude ZARROUK, dont il avait suivi le séminaire à HEC/CRC. Dès la première rencontre, j’ai eu un bon ressenti et j’ai acquis la conviction que son approche aurait un réel impact. La présentation de Claude Zarrouk m’a semblé aller au fond des questions et sa personnalité m’a paru gage de réussite, en particulier pour que chacun se questionne véritablement, individuellement et en équipe. La démarche intellectuelle, la capacité à faire qu’on s’interroge, individuellement et en équipe. C’était réellement différent de démarches intellectuellement séduisantes mais qui restent en surface et après c’est le retour au « business as usual ».

L’approche m’a semblé pouvoir apporter un vrai changement, et cela a été le cas.

Il y avait une demande dans l’équipe. Mais au départ, cela a quand même été un peu décapant. Certains membres m’ont demandé : « Qu’est-ce que tu fais ? ». Car quand Claude arrivait, cela surprenait ! (Rires)

Quels étaient tes objectifs ? Ont-ils été atteints ou pas ?

Les objectifs étaient la performance de l’équipe de Direction pour conduire les changements dans les Unités Opérationnelles et avec elles. De manière plus concrète, il fallait une coopération efficace entre les membres de l’équipe de Direction de la Division, que chacun perçoive sa mission comme membre de l’équipe (et non comme représentant de sa direction en « pseudo compétition » avec les autres). Il était nécessaire en particulier de bien positionner les rôles fonctionnel, opérationnel, support et développement.

L’approche de management par la confiance nous a permis de sortir par le haut du débat permanent entre Direction Technique et Directions Opérationnelles. Il y avait des positions non adaptées des deux côtés.

Je me souviens d’un séminaire à Cordes sur Ciel, où nous avons largement débattu. Chacun portait ses convictions, mais la méthode de feedback constructif obligeait à expliquer pourquoi on avait tel ou tel besoin (et pas à s’exprimer a priori en termes de solutions).

Nous abordions un vrai problème. Nous avons conduit le débat avec la méthode de feedback structuré et aussi, dès le départ, avec une perspective de bilan sur les engagements pris. La méthode est conçue de manière à faire prendre conscience très vite qu’à partir du moment où quelqu’un prend un engagement, il devra en rendre compte, car c’est le principe de base de la confiance. De plus, chaque engagement était légitimé parce qu’il était en relation directe avec la performance de la Division, ce qui est une autre exigence de la méthode.

Les résultats opérationnels et les objectifs stratégiques ont été atteints. Et au-delà, l’expérience de cette démarche ressentie par les membres de l’équipe (et moi-même) les a conduits à apporter un témoignage très positif pour la mettre en œuvre avec une autre équipe de direction.

Que retiens-tu de ton expérience du processus mis en œuvre ?

L’impact du choc des perceptions allié à la pratique structurée du feedback a conduit au développement de la confiance au sein de l’équipe, et par la même à une coopération efficace pour atteindre les objectifs stratégiques : Au-delà du « choc des perceptions » qui est un moment clé au début de la démarche, le feedback structuré dans la durée est un facteur de succès important. Tout jardinier sait qu’avant d’avoir un rosier et de belles roses, il faut commencer par bêcher. La démarche exige de porter l’effort dans la durée. Nous avons eu des débats intéressants autour du client. Il s’agissait de bien le positionner, à sa juste place mais pas d’en faire la finalité ultime. Bien des incompréhensions ont été levées.

Ensuite, quand j’ai initié la démarche à la Direction Régionale de Lyon, j’ai suggéré aux membres de mon équipe d ‘échanger avec ceux qui l’avaient suivie.

Qu’as-tu trouvé de différent, quelle valeur particulière as-tu apprécié, par rapport à d’autres approches et séminaires ?

C’est une démarche qui va au fond des comportements pour les faire évoluer. Et une démarche dans la durée qui donne de la valeur à l’engagement respecté, source de la confiance. J’ai pu comparer avec d’autres démarches séduisantes, mais qui n’avaient pas réellement un impact durable sur les comportements. Avec cette approche, on dépasse le stade intellectuel pour toucher les comportements.

Que t’a apporté personnellement cette démarche en tant que leader ?

Cela a été la voie pour réaliser un management efficace de mon équipe, par une réflexion propre sur mon management et par une pratique sans faux-semblant. La démarche a été aussi un puissant levier pour bien placer le client dans ma vision et ma pratique.

J’ai aussi appliqué les principes de la démarche par la suite en tant que consultant. Un jour, en réunion à la Région Rhône Alpes, un directeur m’a adressé une remarque « bien sentie ». J’ai écouté en me gardant bien de répondre dans l’instant. 15 jours après, je lui ai envoyé un papier en expliquant mes positions en détail, en tenant compte de sa réaction pour répondre précisément à ses interrogations, en  me plaçant autant que possible dans sa perception. Eh bien, il m’a remercié, et ensuite il m’a même recommandé ! Il était complètement surpris que j’aie pris en compte sa remarque et l’aie prolongée.

Notre rationalité à tous est limitée : chacun raisonne avec sa vision, a du mal à comprendre les objections ou réticences de l’autre. Cela me fait penser au « toujours plus », qui résulte d’un idéal de professionnalisme à l’extrême : « Il fallait plus de techniciens pour toujours approfondir mais sans s’interroger sur la valeur ajoutée apportée et perçue par le client». Les gens ont été formés comme çà, et chaque catégorie pousse dans son sillon. Dire qu’ils ont tort et n’ont rien compris, c’est de la paresse intellectuelle. Le comportement des autres est seulement la conséquence de leur perception des choses – si on ne travaille pas sur leur perception des choses et à les aider à élargir leur point de vue, on n’avance pas. Pour mener à bien une dialectique, il faut s’interroger sur le point de vue de l’autre. Ce n’est pas gratuit

As-tu perçu quelques limites à la démarche ?

J’ai eu quelques regrets après coup, pas du tout en lien avec ce que j’avais mis en œuvre au sein de la Division, mais parce qu’en tant que directeur d’une division au sein d’une plus grande structure, la démarche m’a conduit à un certain niveau d’exigence avec les autres. Elever le niveau d’exigence de feedback ne pose pas de problèmes avec les collaborateurs et collègues qui sont dans la même démarche. En revanche, avec certains autres, l’écart culturel peut se creuser et susciter parfois de l’impatience. Cela nécessite un doigté que je n’ai pas toujours eu.

A la direction régionale, pour des problèmes à traiter avec des directeurs d’agences, nous avons tenu à aller au bout des arguments factuels pour comprendre les besoins. Le résultat a été tel qu’après nous étions satisfaits. En revanche, lorsqu’un responsable d’une autre entité que tu souhaites considérer comme partenaire ne rentre pas dans une vision de partenariat, tu en conçois une frustration, avec le sentiment d’être passé à côté, parce qu’il n’y a pas eu l’échange qui aurait permis de valider des options ensemble. Pour certains managers, être partenaires, c’est du temps perdu : Vis à vis des certaines autres entités avec qui nous étions en relation, c’était plus difficile de faire bouger mes homologues, que leurs collaborateurs.

La confiance ne marche que si tout le monde s’attelle à respecter cette exigence de feedback constructif et va au bout du débriefing.

Ce témoignage de Bernard pose très clairement les exigences intellectuelles et pragmatiques de l’approche « Totale confiance » et la puissance de l’approche initiée par Claude ZARROUK, que nous sommes fiers de perpétuer, d’enrichir et d’adapter aux exigences d’aujourd’hui, en préservant ses fondements essentiels, plus que jamais actuels et sans doute éternels.

Christian Mayeur et Marc Zarrouk

© Mayeur Zarrouk Consulting

Témoignage de Cécile DUBROVIN: « Le processus Totale confiance reste inoubliable, du point de vue de la méthode comme du résultat »

Aujourd’hui Directrice générale de la Business Unit « On-Board and Testing » de Safran Data Systems, Cécile DUBROVIN a mis en œuvre la dynamique de totale confiance dès les années 2000, lorsqu’elle était Chef de Service Customer support et Directrice de programmes dans un grand groupe d’électronique professionnelle, puis à partir de 2015, en tant que directrice générale de BU chez un équipementier aéronautique.

Nous l’avons interviewée le 9 juin 2021 à propos des apports de l’approche « Totale Confiance ».

Cécile, à quelle occasion as-tu découvert l’approche « Totale confiance » ?

« En 2002, j’ai découvert l’approche de Claude ZARROUK alors qu’il avait animé des sessions pilotes sur les organisations biologiques orientées client sur le campus du grand Groupe où je travaillais alors. Le DRH de cette entité a proposé à un dirigeant respecté et emblématique, mais quelque peu autoritaire, ainsi qu’à son équipe de management, un accompagnement de Claude ZARROUK, dont les interventions au campus avaient remporté un franc succès. Ce dirigeant, à qui j’étais rattachée en N-2 en tant que jeune manager, éprouvait des difficultés, dans certains contextes, à écouter ses collaborateurs, ce qui pouvait parfois entraver l’émergence de la réalité des situations. Naturellement, ce dirigeant ne se reconnaissait pas dans le diagnostic initial, mais la DRH ne lui a pas vraiment laissé le choix. Il a donc accepté d’engager le processus de débriefing responsable (Training To Responsibility / 2TR) puis de feedback constructif (Training To Trust / 3T). L’objectif était de « déboucher » la communication verticale. Autant vous dire que pour la jeune manager que j’étais, m’engager avec ce patron franc et direct dans un processus de feedback 3T, où on signe un engagement écrit, était un sacré pari. J’étais assez séduite dès le départ par cette méthode unique en son genre, en dépit du potentiel feedback « vertical descendant fatal » (rires). Eh bien, malgré son caractère entier, avec le recul, il a apprécié et cela s’est finalement bien passé, pour moi comme pour mes collègues. Il a compris que vouloir écouter, même de bonne foi, ce n’était tout simplement pas possible sans feedback. Des messages sont passés et finalement, l’objectif a été atteint.

Par la suite, as-tu repris cette approche à ton propre compte, en tant que manager ?

Ce processus reste inoubliable, du point de vue de la méthode comme du résultat, je l’ai donc rapidement adopté, sachant que c’est dans mon tempérament naturel d’oser le feedback. Je l’ai donc appliqué dans la foulée au niveau de mon équipe et j’ai renforcé ma formation au débriefing responsable (2TR) et au feedback constructif (3T) en tant que directrice de programme.

Quelque temps plus tard, en 2015, alors que je venais de rejoindre un équipementier aéronautique de renom, j’ai été confrontée à un moment délicat. J’ai dû mettre en place une importante réorganisation pour faire face à des exigences multiples de nos grands comptes et donc fédérer ma nouvelle équipe autour d’un contrat de confiance

J’avais besoin d’une équipe resserrée, fidélisée, multi-profils et il était nécessaire de travailler en direct avec mes anciens N-2. J’ai fait appel à Claude et Marc ZARROUK et les membres de l’équipe ont été époustouflés par le côté percutant de la méthode d’animation : spécifique, vibrante, percutante, dans le réel, c’était presque du théâtre.

Quels ont été les principaux apports de la démarche ?

C’est d’abord d’avoir le déclic, les personnes en formation se disent « mais bon sang, ce qui se joue, c’est chez moi, pas dans l’entreprise d’à côté » ! On en vient rapidement à parler de façon concrète, exemples à l’appui, d’arrogance, de non-écoute, de manque de communication, de mode silo et des dégâts que cela provoque chaque jour sous nos yeux, ce que les ZARROUK appelaient « Le cancer de l’entreprise » ! (rires)

Il y a une prise de conscience inévitable. Par exemple, un des managers de mon équipe m’a dit : « La semaine dernière, je me suis un peu senti visé ». L’identification est rendue possible par le mode d’animation théâtral des séminaires. Le résultat est fondamentalement différent de celui obtenu avec un déroulé de slideware. Les participants se disent : « Il parle de moi ». On met tout sur la table, on se dit tout.

Ensuite, c’est un apprentissage collectif. Le « Ah mais c’est moi ! » est réciproque, tout le monde s’identifie : « Oui, c’est vrai, de temps en temps je n’écoute pas, je cache mon vrai besoin, je juge les collègues, voire je les dénigre en public … »

Enfin, cela débouche sur une vraie amélioration de la performance opérationnelle, d’autres réflexes s’installent, et notamment, une prise de conscience de la responsabilité personnelle de chacun : « Quand je suis à plus de 10 % d’incompétents autour de moi, c’est que c’est moi le problème. » (rires)

Un point très important, c’est qu’il y a de l’humour, ça détend, on parle de choses cruciales voire vitales et pourtant c’est une séquence de détente et de convivialité. Les participants s’amusent, c’est drôle et pas culpabilisant. L’humour débloque. Au fil des ateliers, 80 % de l’humour vient des participants. Et l’humour ouvre à la créativité et cela permet de capter l’attention sur la durée. L’approche Totale Confiance permet ce petit miracle du management !

La démarche a-t-elle eu une influence sur ton propre leadership ?

J’ai renforcé l’écoute active, pour laquelle j’ai déjà un penchant naturel du fait de mon éducation franco-asiatique. Il s’agit d’écouter pour comprendre, pas pour répondre. L’âge aide, il apporte de la confiance en soi. Plus tu te développes, plus tu rencontres des challenges à haut niveau. J’ai appris aussi à donner autant de feedbacks sur des points de « satisfaction » que sur des besoins « à mieux satisfaire ».

Les effets sont-ils durables ?

Oui, c’est justement un point fort de l’approche. J’ai dans mon équipe actuelle deux personnes qui ont participé en 2015, elles me disent en 2021 que « ça fait toujours du bien ». On acquiert définitivement un autre regard : « L’entreprise, c’est un corps biologique, avec des fluides, c’est vital d’éviter la thrombose. »

Aujourd’hui, nous poursuivons en duo la voie tracée par Claude ZARROUK, avec l’énergie, le pragmatisme et l’humour qui permettent de régénérer les entreprises par la confiance en action.

Christian Mayeur et Marc Zarrouk

© Mayeur Zarrouk Consulting

Confiance et innovation (1/2)

Accélérer et enrichir les processus d’innovation

L’innovation se nourrit en grande partie du partage pertinent et créatif d’informations, de savoirs et d’intuitions divers, fondés sur des faits et observations tout aussi divers.

Face au besoin d’accélération des processus d’innovation, ce ne sont donc pas les technologies qui freinent : l’information circule plus – et plus vite – que jamais, grâce au Big data, à l’Intelligence artificielle et à l’Informatique quantique.

S’il y a des freins, ils sont humains, le plus souvent liés à des blocages des feedbacks verticaux ou horizontaux dans les entreprises, ou latéraux entre les entreprises et leurs clients et partenaires. Pour effacer ces blocages, il existe un lubrifiant : la confiance, actif immatériel de premier plan.

La confiance en action

Dans la course de vitesse à l’innovation, une organisation ou un écosystème qui visent un haut niveau de performance dans tous les compartiments du jeu ne peuvent pas laisser l’innovation dépendre de la confiance spontanée entre les individus ou des niveaux aléatoires de confiance en soi de leurs membres, quel que soit leur niveau de responsabilité.

Cette loi se vérifie d’autant plus quand existent de fortes disparités culturelles, comme c’est souvent le cas au sein des grandes entreprises et a fortiori dans les relations complexes entre start-ups, PMEs innovantes, grandes entreprises, investisseurs….

La confiance en action ou « Totale confiance » catalyse les coopérations créatives entre humains. Systémique (règle de vie incarnée dans toutes les relations internes et externes), et stratégique (orientée vers des objectifs ciblés), elle reste une innovation managériale dans bien des organisations.

La confiance en action est mue par deux boosters : le feedback constructif et le débriefing responsable, à pratiquer de manière intensive par les équipes d’innovateurs, à la manière de sportifs de haut niveau, car c’est la redondance qui leur confère leur puissance.

Fondés sur une approche biologique du management, ces boosters évacuent les jugements, les émotions et les réflexes qui freinent l’innovation, comme le fameux syndrome « NIH » (Not Invented Here), au profit d’une approche factuelle, terreau de la créativité.

L’apport du Feedback constructif, selon la méthode 3T (Training To Trust)

Le rôle des entrepreneurs et managers au sein d’un écosystème innovant consiste à créer de la fluidité et donc à faire en sorte que chaque membre, de la start-up à la grande entreprise en passant par les investisseurs, sache sur qui il peut compter et pour quoi, à tout moment, y compris dans les projets innovants les plus disruptifs. Cela nécessite de comprendre les besoins et vulnérabilités de chacun des partenaires du projet. La discipline du feedback constructif – direct, sans jugement, basé sur des faits, lié à des objectifs et besoins vitaux, orienté vers le futur – permet à ces entrepreneurs et managers de jouer leur rôle de leaders de confiance. Notre méthode 3T sécurise la transition vers la pratique généralisée du feedback constructif et permet d’en maitriser la puissance.

L’apport du Débriefing responsable, selon la méthode 2TR (Training To Responsibility)

« Il faut se méfier de la réussite par hasard » – Yoshikazu Tsuda.

J’ai gardé en tête ce conseil que m’a prodigué le Pr. Tsuda (Tsukuba / MIT). Il est à la base du débriefing responsable. Une fois que chacun sait sur qui il peut compter et a la capacité d’exprimer sans détour ses besoins pratiques pour innover, il est essentiel de se poser très régulièrement une autre question : « Qu’ai-je fait (ou pas), qu’avons-nous fait (ou pas) qui a permis à telle étape du projet d’atteindre son objectif (ou pas) ? ». A la différence d’un retour d’expérience désincarné, le débriefing responsable engage chaque personne vis-à-vis du collectif pour partager en détail les éléments quantitatifs et qualitatifs, rationnels et émotionnels qui ont caractérisé une étape et fournissent des enseignements pour la suite.

Directement inspiré des pratiques de l’armée de l’air israélienne[1] et fondé sur la méthode 2TR, le débriefing responsable alimente les innovations incrémentales, mais aussi disruptives.

Innovation managériale et évolution culturelle

Avant d’introduire ces méthodes, nous accompagnons l’évolution culturelle de l’entreprise et animons des séances de « Déclics de perception » dédiées au COMEX de l’entreprise – ou à des responsables du projet stratégique ou de l’écosystème innovant – pour créer les conditions favorables à la confiance en action. Nous les aidons à définir une stratégie et des objectifs limpides, fondés sur des valeurs, des attitudes et des principes de management de l’innovation écocentrés (par opposition à « égocentrés »).

La mise en place de ces pratiques porte toute l’organisation et tous les membres et partenaires de son écosystème. Ainsi, tous gagnent en confiance vis-à-vis d’autrui et évitent de perdre du temps en craintes, en querelles d’egos et de territoires, pour se concentrer sur l’essentiel : le progrès, l’innovation et un haut degré de performance de l’organisation. Dans cette approche systémique, nous nous intéressons en effet davantage aux interactions entre personnes et aux processus relationnels qu’aux individus pris isolément.

Totale Confiance permet la mise en place de la « swift trust » (« confiance rapide ») [2] nécessaire aux coopérations rapides entre acteurs qui se connaissent peu a priori. A cet égard, la dynamique de confiance en action mise en place par PFIZER et BIONTECH pour développer le vaccin anti-COVID et basée sur une compréhension des besoins, désirs et vulnérabilités réciproques, est éloquente par ses résultats disruptifs en matière de nature de l’innovation comme de délai de sa mise sur le marché.

De la biologie à la sculpture mentale

Le neurologue Pierre Le Marquis ou le neuropsychiatre Boris Cyrulnik indiquent, à partir des dernières découvertes de la neurobiologie, que la qualité de nos interactions « sculpte » notre cerveau au sens propre. En plaçant a priori toute relation sous le signe positif de la confiance et du partage, les entrepreneurs et managers « leaders de confiance » sculptent positivement le mental de l’organisation ou de l’écosystème vers un accroissement de leur capacité et une accélération de leur vitesse d’innovation. Ceux que nous appelons des « leaders de confiance » sont aussi des « leaders de croissance ».

Christian MAYEUR

© Mayeur Zarrouk


[1] Inbal ARIELI, « How Debriefing Like The Israeli Air Force Can Help Your Business », Forbes Magazine, March 17, 2018 – https://www.forbes.com/sites/startupnationcentral/2018/03/17/how-debriefing-like-the-israeli-air-force-can-help-your-business/?sh=3ae0e41532e0.

[2] Debra MEYERSON, Karl E. WEICK, Roderick M. KRAMER: « Swift trust and temporary systems », Editeurs Kramer and T. R. Tyler « Trust in organizations: Frontiers in theory and research », 1996.

Totale confiance: confiance systémique, confiance stratégique

Confiance systémique

Est-ce un hasard si les zones à haute intensité d’innovation et de production de richesse sont aussi des zones de confiance systémique entre acteurs économiques, sociaux, politiques et culturels[1] ? Le nord de la Californie, Israël, le sud de l’Allemagne, la Finlande ou l’Estonie, pour citer les plus célèbres, sont des zones où les relations sont nourries de la discipline du feedback dans les interactions verticales (dialogue hiérarchique franc et direct), horizontales (coopérations conviviales, pragmatiques et créatives, marquées par des critiques réciproques sans concession) et latérales (haute intensité de co-innovation en toute fluidité avec les clients et les partenaires, également marquées par des critiques réciproques sans concession).

Innovation et performance globale de haut niveau exigent le développement de la confiance comme règle de vie à l’échelle de l’entreprise étendue à son écosystème, de telle manière que chaque interaction interne ou externe soit productrice de confiance, ce qui permet d’atteindre un niveau de confiance systémique.

Impact de la confiance systémique sur la confiance en soi et le développement personnel

La question de la « confiance en soi » est régulièrement posée, en raison du caractère déstabilisant, pour les individus, de la période de métamorphose que traversent les entreprises aujourd’hui. Ce phénomène concerne tous les membres de l’écosystème Entreprise, du patron au salarié en passant par les sous-traitants ou les travailleurs indépendants avec qui elle coopère. Le degré initial de confiance en soi des individus perd de son importance relative dans les entreprises écocentrées, cette confiance étant nourrie par la pratique systématique d’un dialogue équilibré, bienveillant et exigeant, et par l’action confiante qui en résulte[2]. Nous observons ainsi que la discipline du feedback constructif à l’échelle de toute l’entreprise entraîne de facto une augmentation du degré de confiance en soi de ses membres, portés par une vague collective de confiance en action.

Autrement dit, la confiance nourrit la confiance : l’action même de produire de la confiance dans chaque interaction nourrit la confiance des dirigeants, des managers et des collaborateurs, dans leurs interactions verticales (hiérarchiques) et horizontales (entre collègues).

Confiance stratégique

La confiance en action est indissociable d’attentes de comportements et de buts à atteindre. Elle est la réponse positive à une question que toute personne en situation d’agir, d’entreprendre ou d’innover pose à ses collaborateurs, partenaires ou clients, pour leur faire totalement confiance : « Est-ce que je peux compter sur toi ? ».

Cette question se décline en des sous-questions du type : « Puis-je compter sur chacune et chacun des membres de mon équipe de direction pour me donner un feedback franc, direct et précis sur la manière dont je réponds à ses besoins ? » ; « Puis-je compter sur ce partenaire pour mener un projet d’investissement commun ? » ; « Puis-je compter sur ce collègue pour apporter sa contribution dans le délai imparti par notre client commun ? » ; « Puis-je compter sur chaque collaborateur pour qu’il me dise clairement ce que j’ai oublié de prendre en compte dans ma décision ? ».

Naturellement, la question « Est-ce que je peux compter sur toi ? » a son pendant collectif, qui a trait à la dimension systémique de la confiance : « Est-ce que nous pouvons compter les uns sur les autres ? ».

Une entreprise où la réponse à ces questions (qu’elles s’adressent à l’individu ou au collectif) est systématiquement positive (à tous les niveaux de la hiérarchie et dans tous les secteurs) est généralement une entreprise en bonne santé, créatrice de valeur pour son écosystème comme pour elle-même.

Comment atteindre un tel résultat ? Un basculement culturel vers l’entreprise écocentrée est nécessaire, sauf si l’entreprise a été conçue dans cette culture[3]. C’est donc en premier lieu aux dirigeants qu’il revient d’agir, d’autant plus qu’il est courant que des blocages du feedback perturbent les dynamiques de décision stratégique situées au-delà du champ de l’intelligence artificielle et des méthodes « agiles », généralement centrées sur les niveaux opérationnels. Ce basculement prend sa source dans le leadership exemplaire des dirigeants, au prix d’une lutte constante et sans merci contre les blocages du feedback, appliquée d’abord à leurs propres interactions. Après avoir été levés et éliminés de manière définitive dans les instances dirigeantes, les obstacles à la fluidité et à la fécondité de la pensée humaine méritent d’être éliminés dans toutes les strates de l’entreprise étendue à son écosystème.

La production de confiance dans chaque interaction constitue alors une force qui pousse toute l’entreprise vers l’avant, en tension entre sa raison d’être et ses finalités, telles que : être utile à ses clients – aux clients de ses clients en B to B et aux clients citoyens lorsqu’elle assure des missions pour la collectivité -, libérer un flux constant d’améliorations et d’innovations, atteindre ses objectifs (financiers, opérationnels, de développement humain), renforcer son image.

Au-delà d’être systémique, la confiance en action revêt donc également un caractère stratégique.


[1] Nous regroupons les scientifiques, les artistes et les professions intellectuelles telles qu’architectes ou designers dans les acteurs culturels.

[2] Charles PEPIN apporte un éclairage intéressant sur ces points aux chapitres 6 et 7 de son essai sur la confiance en soi – Charles PEPIN : « La confiance en soi », Editions Allary, 2018.

[3] En ce cas, le défi non moins ambitieux est de préserver ce précieux capital de régénération infinie.

Christian MAYEUR

© Mayeur Zarrouk

Crise et confiance en action

La crise sanitaire a touché durement les entreprises israéliennes, de la Distribution comme de l’Industrie. La confiance en action que nous avons développée chez nos clients leur a-t-elle été utile pour faire face aux aléas ? C’est la question que nous avons posée à trois d’entre eux : SHUFERSAL (grande distribution), BERMAD (industriel spécialisé dans les solutions de maîtrise de l’eau) et SOGLOWEK (agroalimentaire).

Tous affirment que le management par la confiance installé depuis des mois ou des années avant la crise leur ont permis, dès qu’ils ont compris que le marché israélien allait être atteint par cette pandémie, de mobiliser un réel travail d’équipe, face à l’incertitude et aux décisions difficiles qu’il fallait prendre. Le premier bénéfice souligné par nos clients, c’est la mise en place accélérée de décisions et de nouveaux processus, assortie d’une capacité de correction en temps réel grâce à un fort soutien mutuel entre les équipes, bien au-dessus de la moyenne, ce qui relève de la dimension horizontale de la Totale Confiance. La Confiance en action, c’est de l’avis de tous de l’information qui circule extrêmement rapidement, ce qui est évidemment crucial en cas de crise.

L’exemple de SHUFERSAL est particulièrement intéressant : à l’occasion d’un incident informatique majeur qui avait provoqué il y a quelques années un arrêt complet de toutes les caisses dans tous les magasins, ce qui fit perdre à l’enseigne des millions de shekels à l’heure, la direction de l’entreprise avait décidé, conformément à sa culture de responsabilité [Respons’-abilité], d’inventer une solution palliative. La pratique du Feedback constructif (Training To Trust / 3T et du Débriefing responsable (Training To Responsibility / 2TR), deux boosters de l’approche de Totale Confiance, avait ainsi permis à Shufersal de mettre en place un système de gestion des caisses autonome et activable par la division opérationnelle en charge des magasins, y compris en cas de coupure avec les systèmes d’information centraux. Ce système autonome a permis à la chaîne de maintenir tous ses magasins ouverts pendant la crise COVID, grâce à la possibilité de faire des choix souples, de prendre des décisions d’adaptation au jour le jour depuis le terrain, en mode essai-erreur, et cela dans un grand climat de coopération permis par un haut niveau de confiance systémique dans l’organisation. La direction de l’entreprise a été surprise elle-même de l’extrême rapidité de l’échange d’information entre magasins et de leur capacité à modifier instantanément leurs choix en fonction de l’évolution de la situation au jour le jour. La crise COVID a été le moyen de vérifier que les « tuyauteries » du partage de l’information et du savoir étaient définitivement débouchées. Les grands moments de panique habituels en cas de crise majeure ont été évités grâce à la rapidité avec laquelle des décisions hors de l’ordinaire ont été mises en place. Cette rapidité s’est  doublée d’une très grande solidarité au niveau de la direction de l’entreprise, incarnée dans un soutien actif des uns aux autres.

Chez BERMAD, fabricant de vannes à haute performance équipant notamment les immeubles de grande hauteur, le P.-D. G. lit en décembre 2019 un article prémonitoire rédigé par un journaliste israélien, qui prévient du risque de pandémie en provenance de Chine. Ayant une immense estime pour ce journaliste, il donna crédit à cette information. Dès janvier 2020, BERMAD avait, grâce à sa culture de Confiance en action, tout préparé pour absorber les dégâts de la crise, pour deux raisons principales : d’une part son P.-D. G. avait fait confiance au journaliste, d’autre part, l’entreprise, imprégnée de sa culture du Feedback constructif, avait mis en place des remontées d’information qui lui ont permis de réaliser des diagnostics très précis, pays d’implantation par pays d’implantation.

Chez SOGLOWEK, célèbre fabricant de produits de charcuterie, la culture de Responsabilité liée à l’approche de Totale Confiance a permis une grande préparation du Comité de direction. Tous les communiqués préparés en équipe étaient prêts dès le début de la crise, ce qui a permis d’éviter toute contamination sur les lignes de production.

Pour ces trois entreprises, le télétravail a été mis en place pour tous les postes compatibles, dès le 15 mars 2020, jour de mise en place du confinement par les autorités. Le travail à distance s’est révélé aussi, sinon plus efficace qu’au bureau, alors que la crainte de départ était que la performance se dégrade lorsque la personne travaille de chez elle. Mais les responsables des trois entreprises saluent le fait que quand on fait confiance, on réalise une économie considérable en matière de systèmes de contrôle. Le passage au travail à distance s’est révélé plus fluide et plus facile que chez leurs confrères qui n’avaient pas implanté les disciplines de la Totale Confiance.

En lien avec la culture de Responsabilité ECO-centrée dont ils sont porteurs, les Leaders de confiance à la tête de ces entreprises se posent unanimement la même question : « Sommes-nous prêts pour le prochain tour de la crise ? » Car ils sont convaincus que nous entrons dans une période de crises à rebonds. Ils nous confient que dans l’incertitude, la stratégie et les plans deviennent moins pertinents. Le défi des dirigeants est plus que jamais de prendre les décisions, de les appliquer et de les modifier rapidement. Sur la base des constats récents, ils considèrent que cela se fait beaucoup plus facilement avec un haut niveau de confiance fondé sur les 2 pratiques clés traduites en véritable discipline : le Feedback constructif et le Débriefing responsable. Leur credo est que cette capacité à l’adaptation aux crises procurée par la Confiance en action est valable pour toute crise, ce qui est un capital immatériel précieux dont ils sont convaincus que le rythme des crises à venir va augmenter l’importance.

Ils se demandent quelles seront les conséquences psychologiques et comportementales sur les consommateurs, avec en toile de fond l’incertitude qui pèse sur la sécurité d’Israël. Selon eux, il est de la responsabilité des leaders économiques, mais aussi politiques, de tirer les leçons de la crise COVID et de préparer les crises à venir. Signe de Confiance en action, chacun s’est réjoui en Israël d’une grande fluidité et du partage d’information entre les caisses médicales qui a permis le succès rapide de la campagne de vaccination. Dans ce domaine également, nos clients sont convaincus que ce n’est pas la dernière crise. En Israël, on n’a plus besoin de porter un masque, mais attention au variant ! Un mot d’ordre : être prêts à toute éventualité. Pour générer de la confiance, il convient donc de parler non seulement de ce qui a eu lieu, mais de ce qui vient, de tirer toutes les leçons de débriefings précis pour anticiper ce type de crise qui pourrait caractériser les années à venir. La capacité à s’adapter, à changer rapidement grâce à la confiance active à l’échelle de tout l’écosystème économique et social va devenir plus qu’un avantage concurrentiel : un moyen de survie collective.  Car au plan économique, les dégâts des blocages deviennent rapidement très importants si le feedback est lent. Et au plan humain, la contribution psychologique de la confiance est très importante. En temps de crise, sans confiance, on se sent très seul. Mais si la confiance est forte, on la traverse dans de bien meilleures conditions, – y compris en ce qui concerne la vie personnelle et familiale !

Christian MAYEUR et Marc ZARROUK

© MAYEUR ZARROUK

L’Arbre de la Culture de Confiance

Inspiré d’une métaphore biologique, l’Arbre de la Culture est une clé de compréhension courante des leviers du changement au sein des organisations. Feuillage, tronc et racines sont interdépendants. Mais comment faire de cette interdépendance un facteur de haute performance dans les organisations humaines qui, à la différence des arbres, ont une tendance constante à l’éparpillement des énergies ? C’est ici que la confiance en action joue un rôle déterminant, dont le leadership responsable des dirigeants est la source intarissable.

  1. Si les racines constituent la partie invisible, ce sont elles qui nourrissent de sève primaire le tronc et le feuillage, garantissant leur vitalité et leur régénération : ce sont les perceptions, les croyances et les valeurs, fondées sur la raison d’être de l’entreprise, sur l’intention partagée de ses fondateurs et sur l’expérience accumulée par l’ensemble de ses collaborateurs, à la croisée entre le métier et l’histoire des relations avec l’extérieur. Nous savons que les racines d’un arbre constituent un réseau capillaire au moins aussi étendu et ramifié que son feuillage. Il en va de même pour les racines de l’entreprise, qui constituent sa matrice culturelle. Il est important que ces racines constituent un réseau abondant d’histoires vécues, où les tous les membres de l’entreprise puisent leur énergie et leur désir d’accomplissement. Dans cette matrice culturelle de l’entreprise sont non seulement inscrits sa raison d’être et sa mission originelles, mais aussi le code d’orientation de sa responsabilité: responsabilité « égo-centrée 3P » comme Produit, Process, Périmètre ou bien responsabilité « éco-centrée 6C » comme Client, Collègue, Collaborateur, Co-traitant, Citoyen, Collectivité. Alors que les changements de paradigmes de la révolution numérique et écologique en cours s’accélèrent du fait d’une crise sanitaire aux impacts incommensurables et exigent, pour s’adapter à cette métamorphose, de conduire une évolution culturelle, le travail des dirigeants se doit donc d’être radical, c’est à dire, étymologiquement, conduit à partir des racines. Explorer l’histoire de l’entreprise pour mettre à jour son utilité première, réviser les croyances, réorienter les valeurs sont des actions qui favorisent la régénération. Ce travail souterrain ne saurait s’éteindre. Notons que dans un monde complexe où tout se mêle et se relie, les engagements personnels, professionnels et publics, la concurrence et la compétition – la fameuse « coopétition » bien connue en normalisation internationale -, l’activité racinaire des entreprises évolue toujours plus vers le rhizome et sa puissance de propagation impressionnante.

2. Le tronc s’élance vers le feuillage, qu’il sous-tend, dont il réunit toutes les branches et qu’il relie aux racines. Dans l’entreprise, c’est le corps des attitudes partagées qui fait sa force et sa personnalité, comme par exemple une empathie inimitable envers les clients, les co-traitants ou les partenaires, ou bien la reconnaissance en toutes circonstances de la valeur d’autrui en tant que personne, quels que soient son statut, sa formation, son niveau dans l’organisation – une manière 100 % responsable de compenser le déséquilibre induit par la différence hiérarchique dans la relation managers / collaborateurs – , ou encore le choix de la remise en question systématique et sans jugement après chaque action, chaque interaction, chaque projet.

3. Le feuillage correspond à la partie la plus visible de la culture: ce sont les actions, les comportements, les interactions, qui nourrissent l’entreprise comme la lumière nourrit l’arbre, générant sa sève élaborée, celle qui descend de l’extérieur vers l’intérieur, par photosynthèse.  L’entreprise qui joue la carte de la Totale Confiance a compris à quel point l’écoute active des parties constituantes de son écosystème, la pratique du feedback et du débriefing responsables irriguent depuis l’extérieur la structure vivante interne de l’entreprise et participent à sa régénération. De ce fait le feedback et le débriefing responsables sont les traductions au niveau du feuillage de la conception de responsabilité éco-centrée située dans les racines et de l’attitude de remise en question systématique portée par le tronc. Je n’ai pas trouvé mieux pour traduire ce mouvement vital que l’expression picarde de mon vieil ami Jean-François ZOBRIST: « Faire entrer le dehors dedans ».

Cependant, la seule métaphore de l’arbre ne suffit pas en soi à traduire le processus de vitalité et de régénération des entreprises. En effet, si toutes les parties de l’arbre sont physiquement et chimiquement reliées, les organisations humaines, sous l’effet de la distance qu’instaurent le langage, les statuts, le découpage abstrait du temps et de l’espace, sont constamment sujettes au risque de rupture, de contradiction et de blocage de la circulation du sens. Combien de directions se coupent de la lumière extérieure et fonctionnent avec des présupposés, par écrans et tableaux Excel interposés ? Combien d’entités opérationnelles « se débrouillent », faisant le tri dans des demandes et injonctions discontinues, voire contradictoires venues d’émetteurs multiples cachés derrière des sigles plus ou moins compréhensibles ?

Dans un tel contexte, tout comme traiter les feuilles de l’arbre ne suffit pas à garantir son développement, chercher à adapter les entreprises aux évolutions de leurs écosystèmes à travers une simple action sur les comportements est une approche pavlovienne dont les résultats sont pauvres, tant apprivoiser l’être humain conduit à réduire ses capacités d’ouverture et d’initiative. Pour encourager les attitudes ouvertes aux adaptations (amélioration et innovation) et favoriser une évolution naturelle des comportements, mieux vaut permettre à chaque personne de l’entreprise d’élargir et de nourrir sa perception dans les interactions confiantes avec son environnement interne et externe, à l’image du développement capillaire des racines de l’arbre qui permet au tronc de se renforcer et au feuillage de s’épanouir. Riche de ces interactions, cette personne saura quel comportement adopter en diverses circonstances, en accordant ses valeurs à celles de l’organisation, en tirant parti de son intelligence et en apportant le meilleur de son énergie. 

D’où l’importance du principe de circulation du sens, des racines profondes du temps vers la surface des comportements et des interactions dans les espaces réels et virtuels vers l’ensemble des capillarités internes. Ce principe de circulation du sens qui fait liaison entre la culture, les attitudes et les comportements, c’est la confiance. La confiance – du latin « cum-fidere », avoir foi ensemble – est un pari constant sur l’autre et SUR l’action à venir qui mobilise ensemble les valeurs de responsabilité éco-centrée et d’entrepreneuriat, leur donne consistance dans des attitudes, au premier rang desquelles figurent l’empathie, la remise en question et l’innovation. La confiance favorise les comportements co-créateurs de valeur avec les clients et partenaires à travers l’écoute active, le partage avec toutes les fonctions de l’entreprise (stratégie, finance et investissement, recherche et développement, production, digital, marketing et commerce…), la rétroaction, l’apprentissage et l’innovation permanents.

En permettant une évolution constante des perceptions de l’entreprise vis-à-vis de son écosystème, la CONFIANCE EN ACTION est essentielle pour faire évoluer avec leur temps les valeurs et croyances qui soutiennent la raison d’être et la structure de sens de l’entreprise. Avoir confiance ne suffit pas, il faut se donner les moyens de FAIRE confiance à autrui dans l’action quotidienne, pour adapter collectivement les comportements en fonction des nouveaux besoins et désirs des clients, des collègues, des collaborateurs et tirer parti, sans trahir l’humain, des techniques et technologies à disposition.  

Christian MAYEUR – © MAYEUR ZARROUK

Le Feedback, la puissance du TNT au service du Dialogue responsable

Donner son feedback, c’est d’abord préparer l’autre à le recevoir puis à en donner en retour. Nous avons observé que pour certains dirigeants il est difficile de s’engager dans la pratique du feedback, un engagement pourtant indispensable pour devenir un leader de confiance. Mais tout dirigeant a la possibilité de changer la perception de sa responsabilité à l’égard d’autrui et de créer les conditions pour un feedback de qualité, générateur de confiance et donc de prise d’initiative, de performance et d’innovation.  

En tant que dirigeant, pourquoi donner son feedback, mais surtout, pourquoi aller chercher le feedback ? C’est le job du dirigeant, sa première responsabilité de manager, car le feedback améliore le fonctionnement de ce qu’il y a de plus important pour lui : son équipe . La pratique du feedback régénère l’équipe de direction et l’organisation qu’il dirige et ouvre le CHEMINEMENT VERS LA CONFIANCE  EN ACTION, qui se crée et s’entretient dès lors que nous répondons aux besoins et aux désirs profonds de l’autre, au-delà de ses attentes présupposées. Cela passe par la pratique de l’écoute et de la rétroaction qui s’ensuit, un phénomène d’ordre biologique que nous résumons sous le terme « feedback« .

A ce sujet, notre diagnostic est clair : si dans une organisation on parle de confiance sans pratiquer le feedback, on passe à côté du sujet. En effet jouer la transparence, demander l’avis, etc., sans aller jusqu’à la pratique d’un feedback responsable, tout cela reste superficiel. Tout le défi pour les managers, à commencer par le dirigeant, tient au fait d’être capable de recevoir du feedback direct, précis, factuel et d’aider le collaborateur à formuler un feedback constructif, tendu vers l’avenir. Le principe du feedback est en effet de s’appuyer sur un langage commun pour développer une vision commune, en faisant le pont entre le passé (qui ramène invariablement, si on s’y cantonne, vers la culpabilisation) et l’avenir (qui tend vers l’action).

Le feedback est une pratique extrêmement puissante, à l’image de la dynamite !  Comme le TNT, il nécessite, pour donner son meilleur rendement, le respect de règles précises. Refuser les jugements au profit des faits (et apprendre à éviter les énoncés factuels qui sont des jugements déguisés), faire le choix du mouvement contre l’immobilisme, des problèmes qu’on résout au détriment des problèmes qui persistent, de l’enthousiasme contre la peur, de la confiance contre la simple satisfaction. 

Pour nourrir et soutenir cette démarche, le seul moyen est d’entretenir un dialogue responsable qui commence par la question :  Quel est le besoin de l’autre ?   

Sécuriser la mise en œuvre du feedback est l’objectif de la méthodologie 3T (Training To Trust) qui accompagne la mise en place de la pratique du FEEDBACK Constructif (vertical et horizontal) au sein de l’équipe dirigeante puis entre managers et équipiers.

Christian MAYEUR

© MAYEUR ZARROUK