Accélérer et enrichir les processus d’innovation
L’innovation se nourrit en grande partie du partage pertinent et créatif d’informations, de savoirs et d’intuitions divers, fondés sur des faits et observations tout aussi divers.
Face au besoin d’accélération des processus d’innovation, ce ne sont donc pas les technologies qui freinent : l’information circule plus – et plus vite – que jamais, grâce au Big data, à l’Intelligence artificielle et à l’Informatique quantique.
S’il y a des freins, ils sont humains, le plus souvent liés à des blocages des feedbacks verticaux ou horizontaux dans les entreprises, ou latéraux entre les entreprises et leurs clients et partenaires. Pour effacer ces blocages, il existe un lubrifiant : la confiance, actif immatériel de premier plan.
La confiance en action
Dans la course de vitesse à l’innovation, une organisation ou un écosystème qui visent un haut niveau de performance dans tous les compartiments du jeu ne peuvent pas laisser l’innovation dépendre de la confiance spontanée entre les individus ou des niveaux aléatoires de confiance en soi de leurs membres, quel que soit leur niveau de responsabilité.
Cette loi se vérifie d’autant plus quand existent de fortes disparités culturelles, comme c’est souvent le cas au sein des grandes entreprises et a fortiori dans les relations complexes entre start-ups, PMEs innovantes, grandes entreprises, investisseurs….
La confiance en action ou « Totale confiance » catalyse les coopérations créatives entre humains. Systémique (règle de vie incarnée dans toutes les relations internes et externes), et stratégique (orientée vers des objectifs ciblés), elle reste une innovation managériale dans bien des organisations.
La confiance en action est mue par deux boosters : le feedback constructif et le débriefing responsable, à pratiquer de manière intensive par les équipes d’innovateurs, à la manière de sportifs de haut niveau, car c’est la redondance qui leur confère leur puissance.
Fondés sur une approche biologique du management, ces boosters évacuent les jugements, les émotions et les réflexes qui freinent l’innovation, comme le fameux syndrome « NIH » (Not Invented Here), au profit d’une approche factuelle, terreau de la créativité.
L’apport du Feedback constructif, selon la méthode 3T (Training To Trust)
Le rôle des entrepreneurs et managers au sein d’un écosystème innovant consiste à créer de la fluidité et donc à faire en sorte que chaque membre, de la start-up à la grande entreprise en passant par les investisseurs, sache sur qui il peut compter et pour quoi, à tout moment, y compris dans les projets innovants les plus disruptifs. Cela nécessite de comprendre les besoins et vulnérabilités de chacun des partenaires du projet. La discipline du feedback constructif – direct, sans jugement, basé sur des faits, lié à des objectifs et besoins vitaux, orienté vers le futur – permet à ces entrepreneurs et managers de jouer leur rôle de leaders de confiance. Notre méthode 3T sécurise la transition vers la pratique généralisée du feedback constructif et permet d’en maitriser la puissance.
L’apport du Débriefing responsable, selon la méthode 2TR (Training To Responsibility)
« Il faut se méfier de la réussite par hasard » – Yoshikazu Tsuda.
J’ai gardé en tête ce conseil que m’a prodigué le Pr. Tsuda (Tsukuba / MIT). Il est à la base du débriefing responsable. Une fois que chacun sait sur qui il peut compter et a la capacité d’exprimer sans détour ses besoins pratiques pour innover, il est essentiel de se poser très régulièrement une autre question : « Qu’ai-je fait (ou pas), qu’avons-nous fait (ou pas) qui a permis à telle étape du projet d’atteindre son objectif (ou pas) ? ». A la différence d’un retour d’expérience désincarné, le débriefing responsable engage chaque personne vis-à-vis du collectif pour partager en détail les éléments quantitatifs et qualitatifs, rationnels et émotionnels qui ont caractérisé une étape et fournissent des enseignements pour la suite.
Directement inspiré des pratiques de l’armée de l’air israélienne[1] et fondé sur la méthode 2TR, le débriefing responsable alimente les innovations incrémentales, mais aussi disruptives.
Innovation managériale et évolution culturelle
Avant d’introduire ces méthodes, nous accompagnons l’évolution culturelle de l’entreprise et animons des séances de « Déclics de perception » dédiées au COMEX de l’entreprise – ou à des responsables du projet stratégique ou de l’écosystème innovant – pour créer les conditions favorables à la confiance en action. Nous les aidons à définir une stratégie et des objectifs limpides, fondés sur des valeurs, des attitudes et des principes de management de l’innovation écocentrés (par opposition à « égocentrés »).
La mise en place de ces pratiques porte toute l’organisation et tous les membres et partenaires de son écosystème. Ainsi, tous gagnent en confiance vis-à-vis d’autrui et évitent de perdre du temps en craintes, en querelles d’egos et de territoires, pour se concentrer sur l’essentiel : le progrès, l’innovation et un haut degré de performance de l’organisation. Dans cette approche systémique, nous nous intéressons en effet davantage aux interactions entre personnes et aux processus relationnels qu’aux individus pris isolément.
Totale Confiance permet la mise en place de la « swift trust » (« confiance rapide ») [2] nécessaire aux coopérations rapides entre acteurs qui se connaissent peu a priori. A cet égard, la dynamique de confiance en action mise en place par PFIZER et BIONTECH pour développer le vaccin anti-COVID et basée sur une compréhension des besoins, désirs et vulnérabilités réciproques, est éloquente par ses résultats disruptifs en matière de nature de l’innovation comme de délai de sa mise sur le marché.
De la biologie à la sculpture mentale
Le neurologue Pierre Le Marquis ou le neuropsychiatre Boris Cyrulnik indiquent, à partir des dernières découvertes de la neurobiologie, que la qualité de nos interactions « sculpte » notre cerveau au sens propre. En plaçant a priori toute relation sous le signe positif de la confiance et du partage, les entrepreneurs et managers « leaders de confiance » sculptent positivement le mental de l’organisation ou de l’écosystème vers un accroissement de leur capacité et une accélération de leur vitesse d’innovation. Ceux que nous appelons des « leaders de confiance » sont aussi des « leaders de croissance ».
Christian MAYEUR
© Mayeur Zarrouk
[1] Inbal ARIELI, « How Debriefing Like The Israeli Air Force Can Help Your Business », Forbes Magazine, March 17, 2018 – https://www.forbes.com/sites/startupnationcentral/2018/03/17/how-debriefing-like-the-israeli-air-force-can-help-your-business/?sh=3ae0e41532e0.
[2] Debra MEYERSON, Karl E. WEICK, Roderick M. KRAMER: « Swift trust and temporary systems », Editeurs Kramer and T. R. Tyler « Trust in organizations: Frontiers in theory and research », 1996.